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30 avril 2009

Probable dérive de la junte militaire de Conakry

« Le CNDD [Note du blogueur : la junte au pouvoir] n’est pas une institution. Elle ne peut donc pas être légale, encore moins légitime. C’est une association d’individus qui se sont cooptés du seul fait qu’ils ont des armes que le pays leur a confiées pour sa défense. Cela ne peut pas fonder une légitimité. Le CNDD est pour l’essentiel, composé de personnes qui ont organisé et matériellement exécuté les assassinats massifs de Janvier et Février 2007.» Dixit Mamadou Billo SY SAVANÉ dans une interview exclusive accordée à Guineenet.org.

Source : guineenet.org

Voilà presque quatre mois qu’une junte militaire s’est emparée du Pouvoir à Conakry. Son centième jour à la tête de notre pays a donné lieu à une avalanche d’éditoriaux enflammés de journalistes qui confondent leur opinion personnelle fort respectable avec ce que le pays souhaite ou ne souhaite pas. Vous êtes celui qui a inlassablement appelé les jeunes militaires à chasser M. Lansana Conté et à assurer une transition. Vous les appeliez alors des « Patriotes Républicains en uniformes ». Depuis, vous n’êtes pas resté tout à fait silencieux, mais vous ne vous êtes pas non plus directement adressé à vos « Patriotes Républicains.. ». Certains, dont moi-même, se demandent si le moment n’est pas venu de leur adresser une 40ème lettre, et peut-être plus. C’est l’occasion d’en savoir plus sur vos liens supposés ou réels avec cette junte.

Guineenet : Commençons d’abord par l’actualité immédiate. Au camp Alfa Yaya de Conakry, certaines troupes sont venues prêter « serment » de fidélité au capitaine Dadis comme « président » de la république. La cérémonie est passée en boucle sur la TV guinéenne. Cela ne vous surprend pas ?

Mamadou Billo SY SAVANÉ : Si ! Tout comme des millions de nos compatriotes, je suis plus que surpris. Je suis choqué. Le capitaine Dadis est chef d’une junte. Il n’est pas Président. J’insiste bien. Il est chef d’une junte militaire, mais en aucun cas le Président de la République. Je suis choqué. Car, selon moi un militaire Républicain ne prête qu’un seul serment : celui d’être fidèle à sa Patrie, ses institutions et à la personne ou l’équipe que le pays a choisie comme son incarnation pour une certaine durée. Le choix de cette personne ou de l’équipe devant être LIBRE, TRANSPARENT, PLURALISTE et HONNÊTE. Cela a un nom, c’est la compétition électorale. J’ai bien vu cette cérémonie. Elle rappelle un peu une scène où des esclaves viendraient prêter allégeance à leur propriétaire. C’est étrange.


Si vous voulez bien, on va commencer d’abord par préciser vos rapports avec la junte. Avez-vous des liens personnels avec ses principaux chefs ?

Non ! Personnellement, je ne les connais pas. Je n’ai pas de lien ni avec DADIS, ni avec aucun d’eux. On me dit souvent que certains d’entre eux me lisent régulièrement et attentivement. C’est tout. Mais il n’est pas nécessaire de les connaître en personne pour être en accord ou en désaccord avec ce qu’ils ou ne font pas, ou font mal. En tout état de cause, il ne faut pas donner une importance exagérée aux lettres, même si elles étaient numérotées. Si elles ont joué un petit rôle pédagogique, c’est tant mieux.

Vous les appeliez « Patriotes Républicains ». En principe, une armée est par définition patriote. Pourquoi cette appellation spécifique ?

Je n’ai peut être pas été très explicite. Puisque vous m’en donnez l’occasion, je vais essayer de l’être un peu plus. Dans mon esprit, c’est le qualificatif REPUBLICAIN qui prévaut. L’armée dans nos contrées, et plus particulièrement chez nous, est restée CORPORATISTE. Elle a à devenir REPUBLICAINE. Cela veut dire qu’elle doit elle-même admettre qu’elle a un périmètre bien défini et qui est le suivant :
1°. La défense de l’intégrité et de l’unité de la terre que nous ont léguée nos Pères qui l’ont eux-mêmes reçues des leurs. Cette première mission s’exécutant sous l’autorité de la personne ou de l’équipe que le pays dans la liberté, la transparence et l’équité, aura choisie à l’issue d’une compétition électorale honnête.
2°. La défense des institutions que le pays s’est librement données lorsque les REPRESENTANTS légitimes du peuple le lui demandent.Hors de ces deux missions, c’est le banditisme qui se déguise en armée.

Et si elle ne se contentait pas de ce périmètre républicain ?

Sortir de ce périmètre, c’est à mes yeux devenir une armée CORPORATISTE. C’est-à-dire une association d’intérêts privés, avec en plus grave, la possession d’instruments de mort, les armes achetées avec les ressources d’une population miséreuse. Il n’y a pas de différence entre cette armée corporatiste et une armée coloniale d’occupation ou une association de malfaiteurs. L’armée qui a maintenu Lansana Conté au pouvoir pendant plus de vingt ans, contre la volonté du pays est à mes yeux assimilable à cette armée d’occupation coloniale. Elle s’est d’ailleurs comportée comme telle en Janvier et Février 2007. Je continue de nourrir l’espoir que certains membres du CNDD ont un désir sincère de se comporter en Républicains et donc de se racheter des graves crimes de sang qu’ils ont commis contre leurs propres compatriotes et revenir immédiatement au périmètre républicain défini plus haut.

Mais une armée a des missions!

Tout à fait. Cette question est essentielle. Vous me permettrez donc de prendre un peu plus de temps pour y répondre. Aucune armée n’a à se fixer elle-même une quelconque mission. Le faire, c’est en un certain sens, se soustraire aux Lois de la République, se mettre au-dessus de la SOUVERAINETE populaire. Le médecin de Donka ou de Yomou ne décide pas de la politique sanitaire, ni l’enseignant de la politique éducative du pays. Tous appliquent une politique définie et approuvée par la REPRESENTATION nationale laquelle est désignée à l’issue d’une compétition électorale qui devra être LIBRE, TRANSPARENTE, PLURALISTE et HONNÊTE. Le fait de détenir les armes acquises avec l’argent public n’indique pas qu’on est d’une nature particulière, ou qu’on doit s’octroyer des droits sur la vie des populations. C’est le pays, dans son ensemble qui décide de confier à un groupe d’hommes et de femmes, les outils matériels de sa défense. C’est ce qu’on nomme une armée et une gendarmerie républicaines. Être dans ces corps, devrait en principe inciter ses membres à plus de retenue, plus de loyauté à l’égard de ceux dont le travail a permis l’acquisition des armes. Et les utiliser à des fins corporatistes, par exemple pour se maintenir au pouvoir contre la volonté du pays, est une terrible TRAHISON. D’un point de vue moral, quelle confiance peut inspirer un groupe d’individus dont l’unique fait d’arme , depuis 1958 a d’abord consisté à torturer des « opposants » pour le compte de Sékou Touré, ensuite à massacrer en Janvier et Février 2007 des centaines de jeunes Guinéens à la demande de Lansana Conté pour qui notre pays n’était qu’une OCCASION, et maintenant à conserver par des massacres déjà planifiés, un pouvoir que vraisemblablement le pays lui refuse toujours ? -Aucune !

Vous êtes sévère avec vos "Patriotes Républicains", non ?

J’ai acquis le droit d’être sévère, en tout cas je me le donne. Je ne cherche ni à plaire, ni à déplaire. Lorsque certains membres de la junte sont injustement accusés de tribalisme, comme l’a été par exemple le capitaine Dadis à un moment, j’ai estimé que j’avais à combattre ce mensonge. Je l’ai fait. Pour certains, je chercherais à « séduire » Dadis que je ne connais pas et qui peut-être ne me connaît pas non plus. Je rassure tout le monde. Je ne suis pas nécessiteux. Les plus grandes notabilités politiques et militaires guinéennes le savent. Aucune d’entre elles ne peut me démentir sur ce point. Je suis donc un homme LIBRE. Je suis sévère avec l’esprit qui a toujours prévalu dans le rang de l’armée guinéenne depuis toujours et qui est le suivant : l’armée est au-dessus de la nation. Elle fait ce qu’elle veut. Elle n’a pas de compte à rendre, sauf à ses supérieurs. Et celui qui peut dégainer le premier, s’empare du pouvoir, interdit toute expression politique et impose une servitude parfois sanglante à ses compatriotes. Voilà schématisé l’esprit dans lequel le capitaine Dadis et son CNDD ont l’air de vouloir s’installer. Je suis hostile à cet esprit. Je le combats donc sans parti pris, mais sans complaisance. Je ne suis pas seul à le faire.

Vous n’ignorez pas que beaucoup de nos compatriotes pensent à juste titre, que vous êtes en quelque sorte leur « parrain » intellectuel. Estimez-vous qu’ils vous ont bien compris ?

J’ai déjà répondu à cette question. Ils n’ont pas besoin de moi pour agir. Ils sont tout à fait responsables des actes qu’ils accomplissent. Je n’ai pas la naïveté de croire qu’ils obéiraient à mes « conseils ». Mais, cela ne me gêne pas non plus que certains d’entre eux considèrent que mes observations successives ont pu encourager la junte à barrer la route à SOMPARE et à son clan Pdgiste sanguinaire. Je n’ai pas la prétention d’être un leader d’opinion. Je dis ou écris ce que je crois juste.

Je reviens à ma question. Vous ont-ils compris ?

Dans mon esprit, puisqu’ils avaient empêché la population de se débarrasser de Lansana Conté et de son régime en perpétrant ou en facilitant les massacres de Janvier et Février 2007, ils devraient barrer la route au clan dont j’ai parlé. En faisant cela, ils ont rempli leur mission. Je pense que le pays attendait qu’ils fassent ce geste .Et c’était d’autant plus facile que le pouvoir était en déshérence. A mon avis, la mission implicite que le pays réel leur demandait d’accomplir est terminée. Ils doivent en tirer les conséquences.

Vous dites que la mission implicite que le pays leur demandait est terminée. Vous pouvez préciser un peu plus votre pensée ?

Depuis quelques semaines, je lis ici et là des appels à M.Dadis et au CNDD à garder le pouvoir que le pays ne leur a pas donné. J’ai même lu le dimanche 26 Avril sur les sites guinéens un appel demandant au capitaine Dadis de ne pas partir et de refuser des élections ou plutôt de ne les accepter que quand bon lui semblera. Tous ces appels sont suspects à mes yeux et dangereux pour M.Dadis lui-même et pour le pays. A bien y réfléchir, le CNDD et Dadis seraient devenus soudainement plus intelligents, plus « dignes » que les 10 millions de Guinéens. Inutile de les consulter, puisque M. Dadis est plus fort que tous. Soyons sérieux. Le capitaine Moussa Dadis a pris des engagements de façon solennelle. Il doit les respecter et il les respectera. Il en sortira grandi. Par contre, s’il se laissait tromper par certains de ses « conseillers » d’ailleurs non exempts d’arrières-pensées peu dignes, alors tout peut arriver. Et le fait d’avoir des armes achetées avec l’argent du pays n’est pas nécessairement la garantie d’une victoire certaine. Qu’on me comprenne bien : en disant ce que je dis, je suis plus sincère avec Dadis que tous ces nouveaux conseillers qui lui demandent de commettre l’irréparable. Avoir les armes du pays à sa disposition n’est pas un droit automatique au pouvoir.

Comment voyez-vous le CNDD ?

Le CNDD n’est pas une institution. Elle ne peut donc pas être légale, encore moins légitime. C’est une association d’individus qui se sont cooptés du seul fait qu’ils ont des armes que le pays leur a confiées pour sa défense. Cela ne peut pas fonder une légitimité. Le CNDD est pour l’essentiel, composé de personnes qui ont organisé et matériellement exécuté les assassinats massifs de Janvier et Février 2007. Je précise que tous les membres du CNDD ne sont pas tous des tueurs déguisés en militaires. Mais qui peut prétendre sérieusement que M. Claude PIVI dit Coplan est le modèle de soldat Républicain ? Que signifient ses ascensions fulgurantes en grade ? Il ne s’agit pas de l’accabler. Il n’a fait qu’exécuter les ordres de ceux qui le gratifient aujourd’hui de « services » rendus. A mon humble avis, le CNDD doit disparaître le plus rapidement possible. Cette association ne peut pas engager notre pays. Car, c’est une association d’intérêts privés. Il faut avoir l’honnêteté de le reconnaître. Quand le clan PIVI mène une expédition punitive contre Cellou Dalein dans le seul but de l’humilier, il y a un problème. J’ai sévèrement critiqué la démarche politique de M. Cellou Dalein. Mais il n’a tué personne. Et certains membres du CNDD ont commis de plus grands détournements. Pourquoi ceux-là seraient-ils protégés et Cellou Dalein humilié ?

Le capitaine Moussa Dadis a d’abord menacé de changer de tenue pour se présenter à une élection, ensuite fait état d’un « complot » et finalement interdit l’expression des partis politiques. Malgré vos réserves de plus en plus vives, vous avez l’air de considérer qu’il est de bonne foi. Vous croyez que cette ligne est tenable ?

Oui, à condition qu’il nous « aide à l’aider » comme l’avait écrit mon ami Baldé Abdoul, il y a quelques semaines. Alors comment ? En respectant l’engagement solennel pris devant le pays. Or, ses variations successives et contradictoires laissent penser qu’il n’en prend pas le chemin. Que voyons-nous depuis quelques semaines? La formation d’une milice privée hâtivement baptisée « garde présidentielle ». Elle est surarmée. Elle se livre impunément à des agressions et intimidations dans la ville de Conakry. On est là dans la continuité stricte du régime de Lansana Conté. A mon avis, tous les corps sociaux de notre pays doivent réagir énergiquement à cette dérive qu’on perçoit en pointillé.

On dit ici et là qu’il faut leur laisser le temps d’assainir l’économie, de réviser la constitution... Qu’en pensez-vous ?

Tout cela, c’est des arguments à posteriori. C’est très facile. On pourrait même le comprendre, s’ils avaient la compétence technique et intellectuelle de ce qu’on leur prête comme intention. Ce n’est pas leur faire injure que de dire qu’ils n’ont aucune compétence pouvant laisser croire qu’ils auraient la moindre chance de redresser quoi que ce soit. Ils auraient pu commencer par balayer devant leur « maison » comme le leur avait suggéré Elhadj BIRO, c’est-à-dire débarrasser l’armée des brebis galeuses que Lansana Conté a recrutées, comme les Pivi et tous ceux de son genre. Or, qu’ont-ils fait ? Comme toujours, ils se sont acharnés sur des civils désarmés comme Cellou Dalein DIALLO, ou d’autres. Le clan de Lansana Conté a été épargné. La théâtrale incarcération de Ousmane Conté a tout l’air d’une mise en scène. Ce qu’il faut, c’est l’arrestation de ce bataillon qui a massacré nos populations en Janvier et Février 2007. Tous ses membres sont parfaitement identifiés.

Avez-vous des exemples ?

Ecoutez, certains officiers qui ont organisé et réalisé les massacres de Janvier et Février 2007 ont été discrètement mutés dans les casernes de l’intérieur du pays. Par exemple, Mougné DONZO commandant à l’époque des faits a été muté à Labé. Or des soupçons très lourds pèsent sur lui concernant les massacres. Je l’avais moi-même appelé au téléphone pour lui poser la question de sa responsabilité dans les massacres. Il m’avait fait un démenti peu convaincant. A l’heure où je vous réponds, j’ai des informations tendant à montrer qu’il se livrerait à des intimidations sur les populations du Fouta, plus exactement celles de Labé, Pita et environs. Il prétend récupérer des terres qui appartiendraient à l’ «Etat». Mais à Conakry même, ce sont les militaires liés à la famille de Lansana Conté qui se sont emparés de tous les biens fonciers que MM. Bahna SIDIBE, alors ministre de l’habitat et de l’aménagement du territoire avait réservés aux futures infrastructures collectives. Dadis le sait, tout comme ses autres collègues. Autre exemple : c’est Pivi et sa troupe qui tiraient sur les jeunes gens à partir du pont 8 Novembre. En quatre mois, il est passé de simple adjudant à capitaine. Qui peut honnêtement admettre cela ? Si les généraux Mamadou SAMPIL et autres sont en prison, les Mougné DONZO, PIVI et leurs hommes doivent être en prison.

Il y aurait un complot. Ce qui aurait justifié l’annulation au dernier moment du voyage du Président Dadis à Tripoli. Qu’en pensez-vous ?

C’est dommage que M. Dadis et certains de ses collègues se soient livrés à cette petite « habileté » dérisoire. Chaque Guinéen sait que chez nous, celui qui veut anéantir ses adversaires, fabrique des complots, procède à l’arrestation et à l’exécution de tous ceux qui peuvent lui porter ombrage. Je me suis convaincu moi-même que Dadis était « sincère » et qu’il ne fallait pas lui faire un procès d’intention. Je l’ai écrit. Mais, j’avais ajouté que si je parvenais, sur la base de faits réels à la conclusion qu’il n’était pas Républicain et que je me suis trompé, je le dirai aussi. Ma perplexité est de plus en plus grande. Si « complot » il y a, ça voudrait dire que M. Dadis n’est plus souhaité au pouvoir, même pour une courte transition. S’il est Patriote Républicain comme je le crois, il devrait en tirer la conclusion qui s’impose, c’est-à-dire partir. Il aura été celui qui a cassé l’élan des Pdgistes. Ce n’est pas peu. Je suggère dans cette hypothèse peu probable (mais la seule pacifique à mes yeux), que les Forces Vives réfléchissent dès maintenant à la mise en place d’ un Haut Conseil de Transition qui pourrait être dirigé par Monseigneur Vincent KOULIBALY. Je peux, si besoin est, préciser, ma pensée sur ce point. Si le « complot » est une mise en scène pour se débarrasser d’autres militaires, ou d’autres civils, on peut affirmer alors que le capitaine Dadis a inauguré un cycle qui pourrait s’avérer infernal. Je ne le connais pas. Mais, je ne souhaite pas qu’il passe de la gloire à la déchéance. Il peut encore redresser la barre en s’en tenant strictement à son engagement, en ayant le courage de récuser les flagorneurs nécessiteux, venant d’ici ou d’ailleurs.Certains de ses «conseillers » occultes jouent avec le feu pour des raisons inavouables.

Et pour la révision de la constitution ?

Selon moi, la constitution n’a pas besoin d’être révisée. Il y a juste à apporter quelques modifications limitées. Je fais la suggestion suivante :

1°Suppression de l’âge maximum limite auquel on peut être candidat à l’élection présidentielle. C’est une disposition inutilement conflictuelle.

2° ramener la durée du mandat présidentiel à 5 ans, renouvelable une seule fois. En clair, personne ne devra faire plus de deux mandats consécutifs.

4°Inscrire dans la Loi Fondamentale que toute personne sortant de l’armée, de la gendarmerie et de la police ne peut être candidat à une élection présidentielle avant un délai de quinze ans à compter de sa date de sortie de son corps d’armes.

5°Inscrire dans la constitution que la durée du mandat présidentiel, le nombre de fois qu’il peut être renouvelé et la non candidature de tous ceux qui sortent d’un corps d’armes ne peuvent faire l’objet d’aucune modification, suppression, amendement avant un délai de 30 ou 40 ans à compter de la date de promulgation de la constitution rénovée.
Vous voyez, tout cela peut être fait en une semaine. Ce qui veut dire que la junte peut tenir son engagement, si elle le veut. Il n’y a aucun obstacle à cela. Sauf si elle cherche à gagner du temps pour elle-même. On entrerait alors dans une zone de turbulences.Mais peut-être, le capitaine Dadis et Claude Pivi pensent-ils sortir vainqueurs parce que disposant de lance-roquettes, bazookas et autres kalachnikovs. Pourtant tout le pays était bien disposé à l’égard de Dadis. Et j’en étais.

Vous avez commenté un document concernant ce qui serait des malversations minières auxquelles M. Facinet FOFANA se serait livré quand il était ministre. Vous avez déploré la « diplomatie » maladroite de Dadis.Le journal «L’OBSERVATEUR » et toute sa rédaction vous ont personnellement attaqué. Je voudrais savoir votre réaction par rapport à ces deux évènements.

Il faut séparer les deux faits. Je répliquerai à M. Facinet FOFANA. Patientons. Quant à la Rédaction de L’OBSERVATEUR, je n’ai honnêtement pas de temps à perdre. A qui voulez-vous que je réponde ? Certainement pas à M. Tibou KAMARA. Je n’aime pas briller facilement aux dépens de quelqu’un qui n’a ni formation, ni niveau. Sa profession, c’est « Jeune ». Avouez que c’est court comme formation ou niveau. Et le drame de notre pays, c’est qu’il est peuplé de gens ignorants qui ignorent leur ignorance. De ce fait, ils se prétendent cadres. On ne peut pas blâmer des gens comme ceux-là. Ils sont excusables. Voilà. Mais je répondrai à M. Facinet FOFANA.

Guineenet.org vous remercie!


Propos recueillis par Ibrahima Kylé Diallo
Rouen, le 29 avril 2009

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27 avril 2009

Halte aux vols et exactions ! Human Rights Watch dénonce la junte guinéenne

« Le coup d'Etat semble avoir déclenché une série d'exactions commises par l'armée ; l'impunité dont bénéficient ces soldats doit cesser. Les leaders du coup d'Etat doivent tenir les simples soldats sous contrôle, et garantir que les responsables de ces crimes fassent immédiatement l'objet d'enquêtes et de poursuites judiciaires. » a déclaré Corinne Dufka, chercheuse senior pour l'Afrique de l'Ouest à Human Rights Watch.

Source: Human Rights Watch (HRW)


Guinée : Le gouvernement doit discipliner les soldats

Vols à main armée, extorsions et intimidations sous le nouveau gouvernement

(Dakar) - Des soldats guinéens ont été impliqués dans des vols et actes de violence contre des hommes d'affaire et des citoyens ordinaires depuis l'arrivée au pouvoir d'un nouveau gouvernement à la faveur d'un coup d'Etat militaire en décembre 2008, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Le nouveau gouvernement devrait faire cesser ces attaques et s'assurer que la police, la gendarmerie et le système judiciaire mènent des enquêtes indépendantes et engagent des poursuites contre les soldats impliqués.

Human Rights Watch a recueilli les récits de victimes et de témoins de 19 de ces incidents, presque tous commis par des soldats lourdement armés portant des bérets rouges et se déplaçant dans des véhicules tant civils que militaires officiels sans plaques d'immatriculation. Des groupes comptant parfois jusqu'à vingt soldats ont attaqué des bureaux, des magasins, des entrepôts, des cliniques médicales et des maisons, aussi bien en plein jour que la nuit. Ces soldats ont volé des voitures, des ordinateurs, des générateurs, des médicaments, des bijoux, de l'argent liquide, des téléphones portables, et de grandes quantités de marchandises en gros et au détail, entre autres articles. Des Guinéens et des étrangers figurent parmi les victimes. De nombreux témoins de ces incidents ont indiqué que les soldats semblaient sous l'emprise de la drogue. Nombre des victimes ont aussi été menacées ou agressées physiquement.

« Le coup d'Etat semble avoir déclenché une série d'exactions commises par l'armée ; l'impunité dont bénéficient ces soldats doit cesser », a déclaré Corinne Dufka, chercheuse senior pour l'Afrique de l'Ouest à Human Rights Watch. « Les leaders du coup d'Etat doivent tenir les simples soldats sous contrôle, et garantir que les responsables de ces crimes fassent immédiatement l'objet d'enquêtes et de poursuites judiciaires. »

Human Rights Watch a aussi documenté de multiples cas d'extorsion de la part de soldats au cours de contrôles d'identité de routine ; le viol d'une jeune fille de quinze ans commis le 31 mars par un soldat ; et plusieurs cas d'intimidation de magistrats, au cours desquels de petits groupes de soldats ont interrompu des procédures judiciaires ou ont menacé des avocats, tentant semble-t-il d'influencer le résultat des poursuites judiciaires.

Un groupe d'officiers militaires guinéens se désignant comme le Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD) s'est emparé du pouvoir le 22 décembre 2008, quelques heures seulement après la mort de Lansana Conté, président de la Guinée depuis 24 ans. Les leaders du coup d'Etat, dirigés par un président autoproclamé, le Capitaine Moussa Dadis Camara, ont rapidement suspendu la constitution du pays, et se sont engagés à organiser des élections en 2009 et à rendre le pouvoir à un gouvernement dirigé par des civils.

Le niveau auquel les actes documentés par Human Rights Watch ont été ordonnés ou sanctionnés par de hauts responsables de l'armée n'est pas clair. Dans certains cas de vol, les agresseurs ont annoncé qu'ils étaient en mission officielle pour le CNDD. Toutefois, il n'a été présenté à aucune des victimes de document officiel justifiant ces actions, par exemple un mandat d'arrêt ou de perquisition.

La plupart des actes criminels et d'intimidation de magistrats documentés par Human Rights Watch impliquaient des soldats porteurs de bérets rouges. Avant le coup d'Etat, deux divisions au sein des services de sécurité guinéens étaient habituellement pourvues de bérets rouges : le Bataillon autonome de la sécurité présidentielle, ou garde présidentielle (BASP) ; et le Bataillon autonome des troupes aéroportées (BATA), un groupe d'élite de commandos. Depuis le coup d'Etat cependant, ces deux unités et quelques autres bataillons d'élite ont été regroupés en une seule unité basée au quartier général du CNDD, au camp militaire d'Alpha Yaya Diallo. Human Rights Watch a également été informé que des soldats appartenant à d'autres divisions avaient été vus portant des bérets rouges.

Depuis qu'il est au pouvoir, le CNDD a mené une répression officielle contre les trafiquants de drogue, les criminels impliqués dans la production et la vente de médicaments de contrefaçon et d'anciens fonctionnaires accusés de corruption. Paradoxalement, nombre des atteintes aux droits humains documentées par Human Rights Watch semblent avoir été commises dans le contexte de cette répression.

Par exemple, à la suite de l'arrestation en janvier 2009 de plusieurs ressortissants chinois soupçonnés de fabriquer et de vendre de faux antibiotiques, plusieurs entreprises appartenant à des Chinois, notamment des cliniques médicales et des restaurants, et au moins une pharmacie gérée par un Guinéen, ont été dévalisées par des soldats prétendant qu'ils étaient à la recherche de médicaments de contrefaçon. Aucun des militaires impliqués dans ces opérations n'a produit de mandat de perquisition, ni n'a saisi officiellement de médicaments soupçonnés de contrefaçon. Dans trois cas documentés par Human Rights Watch, les commerçants ont été détenus arbitrairement et embarqués dans un véhicule militaire. Ils ont été dépouillés par les soldats de leur argent, de leurs téléphones portables et d'autres objets de valeur, puis ils ont reçu l'ordre de descendre des véhicules quelques kilomètres plus loin.

Human Rights Watch a documenté de nombreux cas dans lesquels les soldats avaient volé les citoyens guinéens habitant à proximité des domiciles ou des commerces des individus soupçonnés d'être impliqués dans le trafic de drogue. Les victimes ont raconté comment elles avaient été dépouillées par des soldats fouillant leurs maisons ou leurs commerces à la recherche de produits de contrebande que les militaires prétendaient s'y trouver. Un avocat guinéen représentant six clients demandant réparation pour effraction et vol à main armée ont indiqué que les soldats avaient fracassé des portes, détruit du mobilier et volé un générateur, sept voitures, des ordinateurs, des vêtements et de l'argent. L'avocat a déclaré à Human Rights Watch :

« Le combat contre le trafic de drogue est noble, mais ils s'en servent comme excuse pour agir comme des criminels de droit commun - s'emparant de véhicules, d'argent, de bijoux - qu'est-ce que tout cela a à voir avec les drogues ? Ils n'ont trouvé de la drogue chez aucun de mes clients. Il n'existe dans aucun de ces cas de plainte légitime, ou tout au moins aucune qui ait été confirmée. »

De nombreux autres cas d'entrée par effraction ont été similairement sans relation avec la répression. Il s'agit par exemple d'attaques contre des petits kiosques tenus par des familles et au cours desquelles les contenus ont été transférés dans des véhicules conduits par les militaires, contre des magasins le long des routes vendant des matériaux de construction, contre des domiciles privés, surtout de riches Guinéens, et contre des entrepôts contenant des produits d'importation.

Des militaires interrogés par Human Rights Watch ont suggéré que des individus se faisant passer pour des soldats étaient les responsables des actes criminels. Toutefois plusieurs facteurs jettent le doute sur cette affirmation. Premièrement, de nombreux témoins ont parlé à Human Rights Watch de soldats commettant des exactions en plein jour dans des lieux publics et vêtus d'uniformes militaires complets, certains portant des barrettes indiquant des grades allant jusqu'à celui de sergent. Deuxièmement, dans deux cas, des hommes d'affaires dont les voitures ont été volées sous la menace des armes par des soldats ont ensuite vu leurs voitures conduites par des hommes portant l'uniforme militaire ; dans un cas, la voiture a été vue entrant et sortant d'un camp militaire à Conakry. Troisièmement, plusieurs victimes ont assuré à Human Rights Watch avoir reconnu des soldats qu'elles savaient être des membres de l'armée. Quatrièmement, les soldats ayant commis de nombreux crimes opéraient par groupes de dix ou plus, et circulaient en petits convois de deux véhicules ou plus.

Selon la loi guinéenne, ce sont la gendarmerie et la police qui sont mandatées pour enquêter sur les crimes, que les coupables présumés soient des civils ou des membres de l'armée. Toutefois, les victimes ont toutes affirmé à Human Rights Watch que depuis le coup d'Etat, l'armée avait de plus en plus pris la responsabilité de certaines tâches de police, notamment des enquêtes criminelles. Les propriétaires de cinq commerces cambriolés à peu près au même moment le 16 février ont déposé plainte à la police, mais les policiers leur ont dit que depuis le coup d'Etat, ils n'étaient plus « autorisés par l'armée à mener des enquêtes ».

Ils ont dit aux commerçants de déposer plainte directement auprès de l'armée.

Quand Human Rights Watch a demandé à des officiers de police comment ils répondaient à une vague de crimes apparemment perpétrés par des soldats dans un quartier de Conakry, les policiers ont répondu que l'armée leur avait « défendu » de conduire des patrouilles et des enquêtes ; un des policiers a raconté comment un suspect civil qu'il avait appréhendé pour l'interroger à propos d'un cambriolage au poste avait été soustrait à la police pour être placé dans un véhicule militaire et emmené pour interrogatoire dans un camp militaire. Une autre victime a rapporté à Human Rights Watch qu'après s'être plaint auprès de la police, ils lui avaient dit que s'il voulait que justice soit rendue, il faudrait qu'il dépose plainte auprès de l'armée ou qu'il dénonce les faits à la radio. Pourtant une autre victime a déposé plainte au poste de police local et ensuite au bureau de la direction de la police judiciaire chargé des enquêtes criminelles, qui est sous l'autorité du procureur. Dans les deux cas, elle a été redirigée vers l'armée.

Cinq victimes interrogées par Human Rights Watch avaient déposé des plaintes auprès des autorités militaires, demandant une enquête officielle sur ce qu'elles affirmaient être des actes criminels commis par des soldats. Aucune enquête n'a été menée pour donner suite à ces affaires. L'une des victimes s'est rendue cinq fois au camp militaire pour réclamer une enquête, et a déploré : « Je suis allé au camp [militaire] et j'ai rappelé à maintes reprises, mais pas une fois je n'ai eu de nouvelles. L'affaire ne va nulle part. »

Le seul cas documenté par Human Rights Watch où il y a eu une action de l'armée concernait le viol de la jeune fille de quinze ans. Selon des membres de la famille et des dirigeants communautaires, l'officier supérieur du soldat accusé a rendu visite à la famille et a fait en sorte de régler l'affaire en dehors du tribunal. Le soldat a été incarcéré plusieurs jours au camp militaire. La famille a décidé de ne pas déposer plainte auprès de la police après que l'armée ait accepté de payer les frais médicaux de la jeune fille.

Selon l'article 14 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, le gouvernement guinéen a l'obligation de protéger le droit à la propriété, ce qui comprend la garantie que des autorités de l'Etat (y compris l'armée) ne saisissent pas de biens arbitrairement et sans compensation.

« Le devoir de l'armée est de protéger le peuple guinéen et de garantir sa sécurité, et non de profiter de lui. L'anarchie qui transparait dans ces exactions n'a aucune excuse », a insisté Corinne Dufka. « L'armée devrait faire cesser les exactions et permettre à la police, à la gendarmerie et au système judiciaire de faire régner l'Etat de droit. »

Récits faits par des victimes et des témoins des exactions commises par des éléments de l'armée guinéenne à Conakry

Exactions commises sous le prétexte de la répression contre le trafic de drogue, la contrefaçon de médicaments et la corruption :

Le propriétaire et directeur guinéen d'une société de transport a raconté le vol de sa voiture et d'autres biens le 15 février par une douzaine de soldats en uniforme prétendant chercher de la drogue. Il a indiqué que les soldats, qui sentaient l'alcool, étaient lourdement armés et que plusieurs étaient bardés de cartouchières :

« Ils sont arrivés dans un pickup Nissan sans plaques d'immatriculation. Ils m'ont dit qu'ils étaient en mission avec l'ordre du CNDD de récupérer les 4x4 que je cachais pour le leader d'un parti d'opposition guinéen. Certains des Bérets rouges m'ont accusé de cacher de la drogue et des armes. Je leur ai dit que je n'étais pas un militaire et donc que je n'avais pas d'armes, mais ils ont fouillé l'entrepôt et vandalisé le bureau de ma secrétaire et le mien. Je ne cache rien. Ils ne m'ont pas dit leur nom, mais j'ai remarqué qu'ils s'adressaient à l'un d'entre eux en lui disant 'Excellence.' J'ai demandé un ordre de mission, mais ils ont dit qu'ils n'en avaient pas, que les ordres de mission sont des bêtises. Ils disaient : 'Vous n'avez pas vu le genre de véhicule dans lequel nous sommes venus ?' Les militaires ont menacé mes employés et leur ont dit de se coucher par terre, à plat ventre. Ils leur disaient : 'Vous ne sortirez pas d'ici vivants' et 'Rien ne sortira d'ici.' Ils n'ont trouvé ni drogue ni armes, mais ils ont pris deux ordinateurs, ma voiture personnelle, et une importante somme d'argent. Plusieurs personnes m'ont dit avoir vu ma voiture conduite à travers la ville par un militaire. »

Une Guinéenne qui réside à côté d'un groupe de Nigérians qui seraient soupçonnés d'être impliqués dans le trafic de drogue a été volée à deux reprises par des soldats. La première fois, ils ont prétendu être à la recherche de Nigérians. Elle a fait le récit des incidents qui se sont déroulés le 25 février et le 13 mars :

« La première nuit, ils m'ont réveillée en escaladant les murs de ma résidence. Ils m'ont demandé s'il y avait des Nigérians cachés et ils ont fouillé ma maison. Ils n'avaient pas de mandat de perquisition. Ils se sont excusés et sont partis. Je me suis rendue compte plus tard que mon téléphone portable avait disparu. Puis le 13 mars, huit Bérets rouges lourdement armés sont revenus chez moi à 10 heures du soir. Je n'étais pas là, mais ma tante m'a raconté ce qui s'était passé. Les soldats ont menacé de tirer si ma tante n'ouvrait pas la porte, alors elle les a laissés entrer. Quand ma tante leur a demandé pourquoi ils étaient là puisqu'ils n'avaient rien trouvé la première fois, ils lui ont crié de se taire. Ils ont pris un sac à dos noir avec un ordinateur portable, 3 millions de francs guinéens [environ 450 euros], et des bijoux. Cette fois, ce n'était évidemment pas une erreur comme la première fois qu'ils étaient venus. A cause de ces visites, j'ai décidé de déménager de ma maison. »

Le propriétaire d'une clinique médicale dévalisée par des soldats à 13h le 26 janvier a décrit ce qui s'était passé au cours d'une attaque contre sa clinique :

« Mon frère et moi sommes des médecins chinois et nous dirigeons une clinique à Conakry. Les soldats sont arrivés dans un pickup gris et trois motos. Ils étaient huit et portaient tous des bérets rouges. Trois d'entre eux avaient des fusils et ils portaient tous des uniformes de camouflage. Ils sont entrés en disant qu'ils cherchaient de faux médicaments, mais ils ont parcouru toute la maison et ont volé beaucoup de choses, dont deux machines pour faire des diagnostics médicaux, deux téléphones portables, 3 millions de francs guinéens [environ 450 euros], 3 000 dollars américains [2 250 euros], un poste de télé et un [lecteur] DVD, et des sacs contenant tous nos vêtements. Ils ont même ouvert le congélateur et volé la viande qui s'y trouvait ! Ils ont aussi volé la voiture [de mon frère] - nous ne l'avons pas encore retrouvée. Ils n'ont pris aucun médicament ; ils sont venus pour voler. [Mon frère] a été emmené dans la voiture par les soldats, comme s'ils allaient l'arrêter, mais ils l'ont ensuite laissé partir - arrêté la voiture et lui ont dit de sortir. Beaucoup de gens du voisinage avaient l'habitude de venir à la clinique, mais pour le moment nous sommes fermés. »

Un propriétaire de restaurant qui a été volé au beau milieu de la journée fin janvier a raconté ce qui s'était passé :

« Vers 3 heures de l'après-midi, 10 soldats sont arrivés au restaurant ; ils portaient des uniformes de soldats et plusieurs d'entre eux avaient des fusils. En entrant, ils ont donné des coups de pied dans la porte, ont pointé leurs fusils sur moi et m'ont frappé au ventre. Ils ont dit qu'ils cherchaient de faux médicaments, que c'était nous les Chinois qui les vendions. Je leur ai dit que c'était un restaurant chinois ! Qu'est-ce que nous avons à voir avec des médicaments ? Je leur ai même dit qu'ils pouvaient vérifier, sachant qu'ils ne trouveraient rien de cela chez nous. Ils ont volé plusieurs téléphones, pris deux cartons de bière et des affaires personnelles, entre autres nos vêtements. Ils étaient très agressifs. »

Un commerçant guinéen dont la pharmacie a été dévalisée par 10 soldats le 28 janvier a raconté à Human Rights Watch ce qui s'était passé :

« A 2 heures de l'après-midi, j'étais dans ma pharmacie lorsque 10 Bérets rouges ont fait irruption disant qu'ils voulaient vérifier si les médicaments dans ma pharmacie étaient faux. Ils prétendaient regarder les médicaments, mais ensuite ils sont allés tout droit au petit coffre-fort que j'ai dans un coin. Ils l'ont fracturé et ont volé les 50 millions de francs guinéens [environ 7 700 euros] qu'il contenait. Ils sont arrivés dans un pickup militaire vert sans plaques d'immatriculation. Après avoir volé l'argent, ils m'ont emmené avec eux, comme si c'était moi qui avais fait quelque chose de mal. Ils m'ont poussé dans la voiture, mais m'ont relâché quelques kilomètres plus loin sur la route. Ils voulaient que ça ressemble à une véritable opération mais ils voulaient juste voler l'argent - ils n'ont même pas emporté de médicaments avec eux ! »

Exactions contre des juges et des avocats

Human Rights Watch s'est entretenu avec un juge à Conakry qui a relaté une tentative d'intimidation faite par six soldats pour qu'il modifie une décision judiciaire qu'il avait prise dans un litige civil opposant deux femmes d'affaires, dont l'une avait un proche dans l'armée. L'incident a eu lieu le 17 février :

« Le jour en question, je devais rendre la décision officielle dans une affaire civile opposant deux femmes d'affaires. Tout à coup, six soldats sont entrés dans la salle du tribunal. Pour moi, il semblait que la femme dont le proche était soldat avait organisé l'intervention des Bérets rouges pour son compte. Ils étaient armés, et portaient des bérets rouges. J'ai déclaré : 'Vous n'avez rien à voir avec cette procédure - j'ai rendu une décision judiciaire qui est totalement indépendante de l'armée !' Ils se sont mis très en colère et l'un d'eux a répliqué : 'Les choses ont changé ; vous devez changer cette décision.' Ils ont menacé de faire en sorte que je sois déchu de mes fonctions - ils ont dit que c'étaient eux qui avaient le pouvoir maintenant. Je suis resté ferme et ils ont fini par s'en aller. »

Un avocat a décrit la façon dont le 23 février, deux soldats armés agissant semble-t-il pour le compte d'un plaignant - un général à la retraite - ont tenté d'intimider le juge qui présidait l'affaire :

« Ce jour-là, j'étais au tribunal pour représenter un client indigent. Au même moment, il y avait une affaire civile qui passait en jugement - un litige à propos d'argent - entre un général à la retraite et un autre homme. L'avocat du général faisait pression pour que le jugement soit rendu ce jour-là, mais l'avocat de l'autre homme lui, faisait pression pour que l'affaire soit reportée en invoquant un détail technique, à savoir que le deuxième homme n'avait pas été cité à comparaître en bonne et due forme. Peu après, deux soldats armés sont entrés dans la salle. Ils ont paradé avec leurs longs fusils en parcourant la salle de tribunal pendant 10 à 15 minutes. Quand l'avocat de l'homme a vu cela, il a abandonné la salle et je l'ai remplacé. Les soldats n'ont pas pointé directement leur fusil sur le juge, mais leur présence était réellement terrifiante pour tout le monde. Il était évident que le juge avait peur, mais à la fin, le juge a tenu bon et a reporté l'affaire. Quand le général a entendu ça, il s'est mis à hurler des insultes au juge et à moi ! Il a dit : 'Si vous faites ça, vous verrez ce que nous ferons.' J'avais très peur. Quand nous sommes sortis du tribunal, j'ai vu cinq à sept soldats, tous avec des bérets rouges, dans un véhicule sans plaques d'immatriculation. »

Divers actes criminels commis par des membres de l'armée

Le garde de sécurité non armé de la résidence d'un riche homme d'affaires guinéen a raconté le vol commis par une dizaine de soldats le 13 mars :

« J'étais assis dehors avec quelques amis. C'était à peu près 9 heures du soir. Nous avons entendu une voiture s'arrêter, puis une dizaine d'entre eux - portant tous des tenues de camouflage, des bérets rouges et de longs fusils - ont fait irruption à la porte de la résidence. Ils sont arrivés dans un pickup blanc qu'ils ont garé devant notre portail - il n'avait pas de plaques d'immatriculation. L'un d'entre eux avait une barrette sur son uniforme - je crois que c'était un sergent ; et j'en ai reconnu un autre - je l'avais vu dans Conakry en uniforme. Ils sont entrés en pointant leurs fusils sur nous ; l'un d'eux a crié à la femme du propriétaire de lui donner les clefs de leur voiture. Elle leur a répondu que son mari n'était pas là et que c'était lui qui avait les clefs de la voiture. Ils se sont mis en colère et sont entrés dans la maison pour chercher la clef. Ils ont trouvé son sac, l'ont fouillé et ont fini par trouver la clef. Pendant que l'un d'eux montait dans la voiture, les autres cherchaient des choses à voler. Ils ont pris deux ordinateurs, trois téléphones, un générateur 2 KVA, des bijoux et de l'argent - environ 500 000 CFA [750 euros]. Ils buvaient - leur haleine sentait l'alcool. »

Un homme d'affaires guinéen a raconté le vol par un groupe de soldats de 50 cartons de vin rouge qu'il avait récemment importé d'Europe. Il a expliqué comment quelques jours après le vol, il a vu et photographié les marchandises volées en vente dans un magasin juste devant le camp militaire d'Alpha Yaya Diallo :

« Le 8 janvier vers 6 heures du soir, 10 Bérets rouges - tous en uniformes et armés - sont arrivés chez moi dans un pickup. Ils sont entrés dans la maison et ont demandé à mon frère la clef du conteneur. Il ne voulait pas la leur donner, mais ils l'ont frappé et il a fini par leur donner la clef. Ils ont alors volé les 50 cartons de vin. Auparavant, j'avais pris contact avec un magasin juste devant le camp d'Alpha Yaya et je leur avais demandé s'ils voudraient vendre mon vin ; il [le magasin] appartient à un gendarme. J'ai laissé une bouteille comme échantillon pour qu'ils puissent l'essayer. J'avais la sensation que le vin volé se trouvait là et après le vol j'y suis allé, et oui, le vin était dans ce magasin ! J'ai pris des photos de mon vin, dont j'ai pensé qu'elles pourraient être utilisées comme preuve. J'ai demandé aux gens où ils avaient trouvé le vin et ils ont dit que les soldats étaient venus quelques jours plus tôt leur demander s'ils voulaient acheter le vin. J'ai apporté les photos à la police et à un gendarme, qui m'ont donné un document m'autorisant à reprendre possession du vin, mais la deuxième fois que je suis retourné au magasin, tout le vin avait disparu. Je me suis adressé à l'armée plusieurs fois pour régler ce problème, mais pour le moment je n'ai pas eu de chance. »

Recommandations

Human Rights Watch exhorte le gouvernement guinéen à entreprendre les actions suivantes :

- Reconnaître et condamner publiquement les atteintes aux droits humains - notamment les vols à main armée, les extorsions, le viol et autres violences - commises depuis le coup d'Etat du mois de décembre en 2008 par des membres de l'armée.

- Donner des instructions publiques claires à tous les membres du personnel militaire pour cesser de commettre des exactions et pour garantir que leurs actions n'outrepassent pas leur mandat.

- Demander une enquête menée par les autorités légalement compétentes sur tous les soldats soupçonnés d'avoir perpétré des atteintes aux droits humains. Demander que soient poursuivis en justice tous ceux contre lesquels il existe des preuves suffisantes, en accord avec les normes internationales de procès équitable.

- Encourager le travail des institutions légalement mandatées pour mener des enquêtes criminelles et engager des poursuites - la police, la gendarmerie, et le système judiciaire.

- Garantir que les victimes de vol à main armée, d'extorsion, de viol et d'autres exactions commises par des membres de l'armée soient correctement et rapidement indemnisées.

Au Groupe international de contact sur la Guinée :

- Exprimer sa préoccupation relative aux atteintes aux droits humains actuelles et au manque de devoir de rendre des comptes de leurs actes de la part des membres des services de sécurité guinéens.

- Exhorter les chefs du gouvernement à prendre des mesures concrètes pour faire cesser les exactions commises par l'armée guinéenne.

- Exhorter les chefs du gouvernement à exiger des comptes en accord avec les normes internationales de procès équitable aux soldats contre lesquels existent des preuves suffisantes des exactions commises.

- Encourager le travail des institutions de l'Etat de droit - notamment la police, la gendarmerie et le système judiciaire - et leur fonctionnement en accord avec les normes internationales de procès équitable.

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