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27 décembre 2008

Alpha Condé : «Pas de gouvernement militaire»

« Nous allons mobiliser le peuple pour qu'il soutienne notre mot d'ordre en faveur d'élections libres et transparentes », a affirmé Alpha Condé, l'un des principaux opposants du président décédé Lansana Conté, lors d'un entretien avec nos confrères du Figaro.

Le Figaro - Avez-vous eu des contacts avec les putschistes ?
Alpha Condé -
Pas pour l'instant. Mais nous avons ­élaboré des demandes claires que nous allons leur transmettre.

Quelles sont ces demandes ?
La mise en place d'un gouvernement provisoire d'union nationale et l'organisation d'élections libres et transparentes avant fin 2009, de préférence avant mai. Nous ne voulons pas d'un gouvernement militaire.

Quel rôle joueraient les militaires dans ce gouvernement d'union nationale ?
Leur comité devrait jouer le rôle d'un organisme de contrôle, qui s'assurerait que le gouvernement intérimaire respecte sa «feuille de route».

Pourquoi refusez-vous d'appliquer la Constitution, qui prévoit des élections dans un délai de deux mois après le décès du chef de l'État ?
Parce que cette Constitution n'a jamais été respectée par Lansana Conté et ses gouvernements successifs, et qu'il n'y a pas de raison pour qu'ils ne continuent pas à la bafouer. Par exemple, nous nous sommes retrouvés, pendant deux ans, avec un président de la Cour suprême qui était en même temps premier ministre. Par ailleurs, l'Assemblée nationale actuelle est illégitime. Son mandat s'est terminé en juin 2007, et il n'y a pas eu d'élection depuis cette date.

Pouvez-vous faire confiance aux militaires ?
Notre seule garantie, c'est la mobilisation populaire. Nous allons mobiliser le peuple et la société civile pour qu'ils soutiennent notre mot d'ordre en faveur d'élections libres et transparentes.

Qui devrait participer, selon vous, au gouvernement intérimaire d'union nationale ?
Tous les partis, sauf ceux qui ont participé aux gouvernements de Conté. De même, le gouvernement d'union nationale ne ­pourra pas comprendre des gens qui ont été ministres de Lansana Conté ces cinq ou six dernières années.

Le premier ministre actuel vient de présenter l'allégeance de son gouvernement au président autoproclamé. Qu'en pensez-vous ?
Ce premier ministre est issu d'un gouvernement fantoche, formé de prédateurs. Personne ne peut les soutenir.

Le président Sarkozy, pour sa part, a demandé l'organisation d'élections «dans les plus brefs délais», sans mentionner le délai constitutionnel de deux mois. Y voyez-vous un encouragement ?
Je partage entièrement son point de vue. La priorité, c'est le retour au fonctionnement normal des institutions.

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Fin d’une présidence à vie

De là où il est, désormais, Lansana Conté peut, en contemplant son œuvre sur la terre de Guinée, comprendre que l’Afrique ne le regrette pas. Certes, la douleur de ceux qui l’ont aimé mérite respect. Mais un dictateur ne devient pas respectable, simplement parce qu’il a rendu l’âme. Le général Conté s’était donné les moyens de rester au pouvoir jusqu’à son dernier souffle. Et le propre de la présidence à vie est que la vie doit s’achever, pour que finisse le calvaire de ceux qui la subissent. Que Allah lui pardonne tout le mal qu’il a fait à son peuple !

Pour les Guinéens, la période qui s’ouvre peut déboucher sur le meilleur, comme sur pire encore. La seule profession de foi des militaires qui se sont emparés du pouvoir à Conakry ne peut suffire à rassurer. D’autant que certains de ces soldats se sont plus souvent illustrés par leur zèle à tirer sur le peuple qu’à le protéger. Et si tous les fléaux qu’ils évoquent pour justifier leur putsch sont réels, alors, on se demande pourquoi un réveil aussi tardif.
Evidemment, ils violent la loi fondamentale. Mais s’est-on jamais soucié du respect de la Constitution en Guinée ? De tout temps, celle-ci a été froissée, gommée, raturée, travestie, au gré des intérêts et de l’humeur du général Conté. Et les institutions qui en résultent inspirent davantage la circonspection qu’un quelconque respect.
Quant à l’Union africaine, elle joue sa crédibilité à venir brandir son bréviaire, pour réclamer, aujourd’hui, le respect d’une telle Constitution. Peut-on, en quelques mois, passer du champ de ruine actuel à une démocratie crédible, simplement parce qu’on aura voté ?
Au sortir de l’apartheid, les Sud-Africains ont dû apprendre à travailler et à vivre ensemble. Blancs, Noirs, Indiens, métis, racistes et autres ont partagé le pouvoir, pour mettre en place des institutions crédibles et créer les conditions d’une transparence totale, avant de passer aux élections.
Les militaires guinéens veulent deux ans. Et pourquoi pas vingt-quatre ans ? Tout agenda est fantaisiste, s’il ne s’appuie sur un rigoureux état des lieux et une évaluation minutieuse des conditions pour aller aux urnes avec la certitude que ceux qui auront gagné seront véritablement les vainqueurs.
Aux hommes politiques guinéens qui exultent à la prise du pouvoir par l’armée – en espérant secrètement que les militaires leur faciliteront l’accession au pouvoir –, on a envie de rappeler que dans les années soixante, au Zaïre et au Togo, des intellectuels estimaient que Mobutu et Eyadema étaient bien trop limités pour tenir. La plupart des apprentis sorciers qui les ont soutenus, en croyant pouvoir ensuite prendre leur place, ont fini par être liquidés, au propre ou au figuré. Les opposants guinéens sont pour la plupart des intellectuels. Ils ne peuvent donc ignorer cela.

par Jean-Baptiste Placca
Source : Rfi "Les chroniques de Jean-Baptiste Placca"

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26 décembre 2008

L'autoproclamé Président de Guinée, portrait express

Son nom, Moussa Dadis Camara. Quadragénaire (né vers 1964) d'une taille de 1,60m est originaire du district de Koulé - dans la préfecture de Lola - en Guinée Forestière, à l'extrême sud du pays (1042 Km de la capitale Conakry). En 1990, il fut inscrit sur les rôles de l'armée avec le grade de Caporal après un grade universitaire ès Sciences économiques de l'université Gamal Abdel Nasser de Conakry en 1986 et un baccalauréat série Sciences mathématiques au lycée Samory Touré de N'zérékoré. Il fut d'abord officier de Génie militaire de Sangoyah, puis chef de section carburant de l'armée, poste qu'il abandonnera au profit d'une formation en Gestion d'une durée d'un an et demi en République fédérale d'Allemagne. De retour au pays, il sera nommé quelques années plus tard au cabinet du Ministère de la Défense nationale comme directeur général des Hydrocarbures de l'armée. Meneur de troupe, il s'est surtout fait remarqué lors de la rébellion des militaires du mois de mai 2007 pour des soldes impayées et de la dernière mutinerie de 2008 qui exigeait le paiement des arriérés et des primes depuis 1996.
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25 décembre 2008

Coup d'État en Guinée? faut-il encore laisser faire?

Nous avons appris la mort du Président Lansana Conté. Certains s'en réjouissent et dansent, d'autres s'en moquent, d'autres s'inquiètent et ils ont raison, car la dépouille de l'ancien Président n'a même pas eu le temps de se refroidir, que les radios du monde annoncent un coup d'Etat militaire et la voix des putschistes qui étalent leurs piètres griefs pour justifier déjà leur coup de force.

Pourquoi ne l'avoir pas fait plutôt du vivant de leur collègue, le soldat Conté ? Une triste répétition de l'histoire pour la pauvre République de Guinée si le coup de force se confirmait. Faut-il encore laisser faire les militaires pour deux générations à venir ? La Guinée n'a-t-elle pas trop souffert des dictatures militaires ? Sékou Touré aura-t-il finalement fait moins mal à la Guinée que ces régimes militaires qui se passent le témoin une fois tous les vingt cinq ans ? La communauté internationale -encore elle! -, l'Union Africaine -encore elle !-, l'ONU -encore elle !- doivent-elles laisser faire ? Leurs sempiternelles menaces et déclarations vertueuses vont-elles encore accompagner à installer un régime militaire dans un pays qui n'a que assez payé l'inégalable médiocrité de ses dirigeants et tortionnaires et la prise en otage de tout un peuple au cours de tant d'années de peur, de misère crasse, de privations indignes de notre civilisation ? J'en appelle à l'Afrique d'abord, à l'Union Africaine pour qu'elle ne laisse pas faire.L'exemple de la Mauritanie est encore là et les pressions africaines et internationales déstabilisent pour le moment les militaires putschistes qui n'arrivent pas à trouver l'impossible « justificatif » pour demeurer au pouvoir. Il faut maintenir « l'encerclement » ! Promettre des élections libres et démocratiques ne fait plus recette. Cela fait rire. Il faut continuer à être exigeant, sans concessions avec la Mauritanie. Que peut-on négocier avec des putschistes sinon leur indiquer la porte de sortie ? C'est également fini les sempiternelles libations du genre « si on les prive d'aide financière, c'est le peuple qui en pâtira le plus ».
Combien d'années donc le pauvre peuple en pâtit avec l'aide financière en place ? Ce n'est plus là le débat. Le débat est qu'il est enfin temps, au 21ème siècle, que l'ONU s'outille, matériellement et juridiquement, pour que « l'ingérence internationale » soit un droit au service des peuples opprimés.
C'est cela aussi les droits de l'homme, les droits à la vie tout court, à l'exercice d'un peuple à sauvegarder sa dignité, à conférer librement par les urnes le droit démocratique d'être bien gouverné pour manger, s'éduquer, travailler, jouir d'une justice indépendante et égalitaire.
J'ai si mal pour la Guinée, un pays si merveilleux, « béni des dieux » comme aimait le dire Senghor, car tout y pousse, car la saison des pluies y est régulière et abondante, car elle regorge de richesses minières inestimables, car la Guinée jouit d'un climat exceptionnel qui, à certaines périodes de l'année, en fait une Suisse doucereuse, loin du climat tropical chaud et sec, car ce pays à de formidables ressources humaines qui peuvent le servir et le développer.
Pourtant, voilà ce pays laissé depuis plus de trois générations à des vampires inassouvis, des bêtes et des monstres d'un autre âge.
Si nous sommes civilisés, si nous sommes dignes de notre temps, nous devons tous nous lever, lever notre voix pour secourir la Guinée. Il est temps maintenant. Personne ne sait, personne ne comprend comment le peuple guinéen a pu survivre à tant de calamités, de misères, d'injustices, de brimades et de privations. Nous sommes tous des Guinéens à partir d'aujourd'hui ! La Constitution laissée par l'indéfinissable Président Lansana Conté doit être respectée pour que la Guinée puisse aller enfin à des élections civiles démocratiques. L'UA doit y veiller. L'UE doit nous y accompagner.
L'ONU doit voter une résolution dans ce sens. Tous nous devons nous mobiliser pour ce combat. Il peut arriver que des peuples changent le cours de leur propre existence en prenant en charge leur propre libération du joug de l'oppression et de l'injustice. Il peut arriver qu'ils ne le puissent pas. Il peut arriver qu'ils s'en remettent à un Dieu trop occupé ailleurs. Nombre de paramètres culturels, sociologiques, historiques entrent en jeu. La Guinée est devenue un cas déroutant de tragédie sans nom. C'est un pays qu'une longue et très douloureuse oppression a meurtri et tétanisé depuis le régime « psychiatrique » de Sékou Touré. On ne se relève pas facilement d'une nuit aussi noire et infinie. Il n'existe pas en vérité de « tyran sauveur » ! Nous le savons tous maintenant hélas : la politique n'a rien à faire avec la morale et l'éthique. Elle s'en moque. Il n'y a pas, bien sûr, que notre continent, pour le confirmer. Même les Etats-Unis n'y ont pas échappé ces dernières années.
Les régimes politiques guinéens depuis l'indépendance ont été des exemples achevés de barbarie, de cupidité, d'hypocrisie, de tricherie, de corruption. Face à ce drame, comment ne pas être envahi d'un irrépressible élan de révolte et de dégoût devant le monde qui regarde faire ? Tout change aujourd'hui. Il n'est plus possible de dire « je ne savais pas » ou « c'est leur affaire ». Il est fini le temps de la réflexion sur la politique, les régimes dictatoriaux civils ou militaires. C'est le temps d'agir, et vite !
Il y'a un temps pour la pensée et la réflexion et un temps pour l'action. C'est le temps de l'action pour la Guinée. Quand on sait maintenant que « le jeu des démocraties est plus caché, plus retenu, plus subtil que celui des tyrannies », que pouvons-nous attendre des dictatures militaires sans masque ? Nous sommes arrivés aux rivages de l'absurde ! Même la démocratie nous trompe. Il ne faut pas que le prince soit l'Etat, ou pire : tout l'Etat. Oui, il existe tant de « démocraties dégradées » ! Mais nous ne pouvons plus rester des témoins muets, encore moins des voyeurs, car nous sommes restés longtemps des voyeurs, un vice bien partagé sous les tropiques.
La Guinée a besoin de nous. Elle a besoin d'une Union Africaine plus ferme, plus engagée, plus opérationnelle surtout, moins conciliante, attentiste. Qui disait que « les bonnes lois naissent des tumultes » ?
Nous ne pouvons plus être du côté des coups d'Etat militaires ou des coups d'Etat constitutionnels. Ceux qui tentent de les justifier ont tort. L'histoire les rattrape toujours quelque part, un jour, dans leur conscience. Notre pente naturelle doit être la démocratie, le vote libre et garanti des citoyens, même si la démocratie, par sa nature contraignante pour les princes, commence par le devoir de tuer en soi la tentation du pouvoir absolu par un dépassement de soi. Cela exige une infaillible noblesse, une hauteur et un détachement à toute épreuve. Je disais affectueusement à Senghor l'inoubliable, que je n'avais pas partagé sa manière d'avoir passé le pouvoir à Abdou Diouf. Je trouvais la méthode anti-démocratique. Il avait marqué un long silence avant de me répondre que si c'était à refaire, il l'aurait refait, car le temps du Sénégal l'exigeait.
J'ai rapporté ce moment d'échange dans le livre que je lui ai consacré lors de son 100ème anniversaire en 2006, « Senghor : ma part d'homme ». Je n'étais pas bien sûr d'accord avec lui sur cette question, même si son argument fut que notre pays n'était pas encore prêt pour une vraie alternance. Pour ma part, il n'existe pas « un temps » pour garder le pouvoir et « un temps » pour le mettre démocratiquement en jeu. Certains pères des indépendances africaines ont eu souvent ce vilain péché, ce maladroit réflexe. En Guinée, justement, il est temps de laisser la société civile gouverner si le peuple le souhaite souverainement, au regard de la décomposition et de l'insoutenable gâchis économique d'un pays si riche, si prospère, si séduisant. Si les ballets de Keïta Fodéba n'avaient pas existé et fasciné le monde, si l'orchestre du Bembeya Jazz national n'avait pas existé et fasciné le monde, si l'équipe de football du Syli National n'avait pas marqué l'histoire du ballon africain, qu'aurait-on retenu de la Guinée ? C'est bien la culture, en un mot, qui a mis ce beau pays dans le cœur de tous les peuples du monde.
Il est alors temps que la politique, incarnée par des hommes de talent et d'éthique, prenne enfin le relais pour le bonheur d'un grand peuple que celui de Guinée, pour la fierté de l'Afrique, pour le respect d'une civilisation d'un 21ème siècle moins barbare, moins inquiétant, mais apaisant, digne de notre humanité et de nos enfants, demain.

Amadou Lamine Sall
Poète Sénégalais
Lauréat des Grands Prix de l'Académie française

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17 décembre 2008

Guinée : black-out sur les tueries de 2007

«Quelle commission pourrait arrêter ceux qu’on soupçonne ou seulement enquêter au sein de toute la haute hiérarchie militaire, policière et de l’ensemble des « corps habillés », collectivement responsables des massacres en question ? Seul un État refondé, une nation recomposée peuvent interpeller ces hauts personnages, qui se trouvent être de hauts gradés. Et vous croyez que c’est le gouvernement actuel qui pourrait le faire ? Seuls des organes souverains issus d’un débat national, peuvent amener à la barre les quidams en question, cela, sous la veille étroite et massive du peuple debout comme lors des évènements de janvier-février»¹.

Près d'un an et demi après l'instauration par le Parlement d'une commission d’enquête sur la répression étatique des manifestations de l'année 2007, l'on pourrait se demander pourquoi cette commission n’a pu travailler correctement. La citation de l'écrivain Saidou Nour Bokoum en exergue donne à cette interrogation une réponse lucide : il ne faut pas rêver.
L'impunité se perpétue en raison principalement de l’absence de volonté politique réelle au plus haut sommet de l’État. Même si le gouvernement (L. Kouyaté) issu des manifestations de janvier et février 2007 a fait des promesses pour faire toute la lumière sur les cas de meurtres, les passages à tabac et autres abus délibérément perpétrés afin que les auteurs et commanditaires soient traduits en justice, force est de constater que rien n’a pu être réalisé de façon concrète. Mise en place pour une durée d'un an, cette commission des rebuts va bientôt disparaître pour laisser place à l'impunité galopante dans le pays.
L'intervention récente dans les médias étrangers de Dr Ahmed Tidiane Souaré, l'actuel Premier ministre, à propos de ladite commission a soulevé toute ambigüité quant au manque de volonté de son gouvernement pour sa mise en marche : « Je l'ai trouvée [la commission] en place. Elle n'avait pas de moyens et quand je suis arrivé, ça ne pouvait pas être ma priorité de la mettre en marche dans la mesure où il y a eu une grosse mutinerie que je me suis attelé à maîtriser. […] Le contexte était particulièrement flou au point qu'il fallait plutôt jouer à l'apaisement, jouer à la sérénité pour que le calme revienne dans la cité.» Le grand mot est lâché ! le gouvernement Souaré a préféré l'apaisement plutôt que de rendre justice. Rien d'étonnant à cela, lorsqu'on sait que les résultats de la commission pourraient déboucher sur des sanctions de hauts responsables du pays, notamment le Président de la république, le général Lansana Conté et son fils Ousmane. A quand donc la fin de l'impunité dans le pays ? C'est toute la question.


1. Saïdou Nour Bokoum, « Interview de Saïdou Nour Bokoum avec "L'Observateur Guinée" », consultée en ligne sur www.manifeste-guinee2010.com, 16 décembre 2008.

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