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19 septembre 2009

Candidature du chef de la junte en Guinée, Paris durcit le ton

La France s'inquiète de l'élection présidentielle prévue en Guinée au début de l'année prochaine. Elle réaffirme sa volonté de voir le président autoproclamé Moussa Dadis Camara respecter sa promesse de ne pas se présenter à la présidentielle de 2010. Pour tenter de dissiper les inquiétudes une délégation guinéenne, conduite par le numéro deux de la junte au pouvoir, Sékouba Konaté, ministre de la Défense est actuellement en visite en France et en Europe.

Cette délégation a été reçue à Paris par des conseillers du président Sarkozy, du ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, ainsi que par le secrétaire d'Etat chargé de la Coopération et de la Francophonie, Alain Joyandet. « Les partenaires de la Guinée doivent accompagner le pays dans le processus engagé dans le cadre du retour à l'ordre constitutionnel », a déclaré Tibou Camara, ministre chargé de la Communication auprès du président et du ministre de la Défense, qui invite par ailleurs la communauté internationale à s’en tenir à cela.

Tout en concédant que nombre de principes et de valeurs propres à la communauté internationale doivent être respectés, il met des limites à certaines interrogations qui pourraient être une ingérence dans les affaires guinéennes. « Le reste est une affaire de la Guinée et des Guinéens », précise-t-il.

Les actuelles autorités guinéennes mettent en avant les « exigences et volonté du peuple de Guinée qui s'exprimera le moment voulu dans les urnes », répétées comme une incantation, pour entretenir un certain équivoque sur les réelles intentions politiques du chef de la junte. « Il n'y a pas eu d'acte officiel ou de déclaration, encore moins de proclamation officielle de la candidature du capitaine Moussa Dadis Camara, mais le président de la République s'est toujours déclaré à l'écoute de son peuple. Il attendra, et le moment venu en toute discrétion, il prendra la décision qu'il estime être la plus utile pour le pays et pour les guinéens », conclut Tibou Camara.


Mais, côté français, Alain Joyandet, le secrétaire d'Etat chargé de la Coopération et de la Francophonie ne se satisfait pas des réponses du ministre guinéen et souligne un certain nombre de principes que la junte doit respecter en rappelant les trois engagements essentiels qui ont été pris : « la constitution d'un gouvernement civil le plus rapidement possible, ce qui a été fait ; le choix d’une date pour organiser les élections, il semble qu'aujourd'hui ce soit fait également ; et puis enfin que les militaires s'engagent à ne pas se présenter à cette élection ». Mais ce dernier point semble poser quelques problèmes, puisque le capitaine Dadis Camara, a menacé à plusieurs reprises de se présenter au scrutin présidentiel.

Le ministre français, sous forme d’avertissement, prévient les autorités guinéennes que, « malgré quelques divergences, le groupe de contact est sur la même ligne que la France et tient au respect des engagements ».

Mais reconnaît le ministre français, le rappel des principes permanents a des limites. « Nous rappelons simplement des principes qui d'ailleurs sont des principes dans l'intérêt de la Guinée et du peuple guinéen, puisque l'aide publique au développement et l'aide des pays riches, sont en général conditionnées par un certain nombre d'attitudes politique, démocratique, de gouvernance, et la Guinée fait partie des pays qui sont particulièrement regardés par la communauté internationale. En Mauritanie, les responsables, y compris le président actuel, se sont finalement pliés aux demandes de la communauté internationale », fait remarquer Alain Joyandet.

Source : Radio france nternationale - Rfi

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Guinée : la presse à la croisée des chemins ! (interview)

La presse Guinéenne est aujourd’hui à la croisée des chemins. Elle est accusée de tous les travers sociaux : calomnie, diffamation, injures, accusations sans fondement... Dans cette interview accordée à mes confrères d'"Aujourd'hui en Guinée", le Président du Conseil national de la communication (Cnc), M. Jean Raymond Soumah, recommande fortement un audit sérein de la liberté de presse en Guinée...

Aujourd’hui en guinée : Si l’on vous demandait aujourd’hui de faire de reforme au niveau du CNC et dans la presse Guinéenne quelles seront vos priorités et surtout vos urgences ?


Jean Raymond Soumah : Merci pour l’opportunité que vous me donnez de m’exprimer. Je ne veux pas me prononcer sur l’âge de l’équipe, je vais simplement vous dire que pratiquement tout est urgent mais qu’il faut établir une hiérarchie entre les urgences. Je me souviens dans l’adresse que j’ai faite au moment où on m’installait au CNC, j’avais parlé de différents chantiers, ceux de la révision de la loi sur la liberté de la presse, de la radio et de la télévision, la communication en général, la loi partant création du CNC… ce sont deux loi qui ont été créées il y a de cela dix ans et qui méritent d’êtres adaptées à l’évolution actuelle du paysage médiatique. Il y a aussi la nécessité, me semble t-il, de faire connaître une évolution aux différents textes qui portent sur la libération des ondes, sur les cahiers des charges et autres. Je voudrais contribuer à améliorer les conditions de la réception par les citoyens, des différentes émissions qui leur sont diffusées dans un espace pluraliste. Et, tout cela repose en faite sur une bonne évolution de la profession par la formation. La formation est le principal cheval de bataille pour atteindre tous ces différents objectifs. La concertation aussi, qui va nous permettre d’échanger, de connaître les véritables desiderata des uns et des autres et d’en discuter afin de pouvoir apporter les modifications. Dans le domaine de la modification, il faut consulter mais dans certains autres domaines, certains impératifs s’imposent par eux-mêmes.

La presse Guinéenne est aujourd’hui à la croisée des chemins, elle est accusée de tous les travers sociaux dont la calomnie, la diffamation, les injures, des accusations sans fondement. En tant que président de l’ institution de régulation des médias en Guinée vous vous trouvez entre promouvoir la liberté d’expression et lutter contre l’amateurisme au sien de la presse. Laquelle des deux fera partie de vos urgences ?

Tout est urgent c’est l’équilibre qu’il faut rechercher : ne pas empêcher l’évolution de la liberté de la presse mais ne pas permettre qu’on s’en serve pour régler des comptes, pour inciter au trouble de l’ordre public. D’ailleurs la question vient à point nommé. La décision que nous avons prise concernant un type de sujet à savoir les sujets politiques dans un type d’émission à savoir les émissions interactives et pendant une période donnée le temps que la tension baisse, nous a valu tous les noms d’oiseaux de la part de certains médias. Malheureusement ces confrères ont fait croire qu’il s’agissait d’interdire toute question politique dans toutes les radios…Mais toujours est-il que nous avons œuvré pour la bonne cause. A préciser que la décision n’excluait pas les débats politiques en studio. Cela dit, la légèreté des journalistes en studio face aux appels venus de l’extérieur et qui prenait des allures d’incitation au trouble de l’ordre public sur fond d’ethno stratégie, nous inquiétait . Vous vous rendez compte qu’il y a pas mal de dérives et qu’il y a des problèmes de formations. Je crois que c’est par la formation que nous allons essayer de remonter ces problèmes par la concertation, par la consultation de tous les groupements qui font évoluer les média afin de permettre par la formation entre autres, une harmonie au sien de l’espace médiatique guinéen.

Quelle définition faites-vous en tant que président du CNC de la dépénalisation des délits de presse que l’on a longtemps souhaité ?

Définir la dépénalisation, je crois c’est un peu le niveau des peines, le mode de peine qu’il faudrait changer c'est-à-dire que, en terme simple, les journalistes n’iraient pas en prison, d’autres types d’amandes pourraient le remplacer en cas d’irrespect des lois, des libertés individuelles, des règles régissant le fonctionnement de la profession au regard et à l’endroit des tiers. Mais ce que je veux dire à l’endroit d’autres personnes, la dépénalisation, on en parle, mais il est très important qu’ensemble, on essaye de discuter en tenant compte des trop grandes facilités de la loi en l’état actuel. Parce que voila ; c’est l’enchaînement : il est très facile d’être journaliste, d’être propriétaire de média donc il devient très facile de calomnier. Donc, il y a un certain nombre de choses qu’il faudrait revoir en amont avant d’en arriver là. C’est avec une presse responsable que l’on peut s’engager dans la dépénalisation et vous savez très bien mon attachement au libre exercice du métier par les journalistes et tout aussi ma rigueur lorsqu’il y a des individus qui viennent dans les média pour ternir l’image des médias, pour poser problème à l’utilité que les médias ont dans une société, en particulier dans une société démocratique ou en voie de démocratisation.

Concernant la dépénalisation un travail de fond a été fait dans ce sens par une ONG Irded en collaboration avec le CNC, qu’en est il ?

Ce que nous avons fait avec cette ONG , c’est de faire des projets de propositions de changement, d’évolution des textes qui régissent les médias en république de Guinée. On a fait un premier travail sur le volet presse écrite, et tous les autres volets vont suivre. Nous pensons que ce sont des projets qui pourront êtres soumis à l’organe législatif pour qu’il puisse revoir dans quelle mesure on peut faire évoluer la loi sur la liberté de la presse en Guinée. Mais aussi la loi sur le CNC .

M le président quel jugement portez-vous sur les différents séminaires de formation donnés aux journalistes ?

Cette question est très pertinente, je l’ai souvent évoquée. Il faut qu’on fasse l’audit de la formation aussi. On n’a fait beaucoup de formation, aujourd’hui où ça nous a mené ? Pas grand-chose. Comment ces séminaires ont été organisés ? C’est vrai que de manière générale il y a des thèmes qui sont propres à tout le monde, qui apparaissent. Mais commentfaire pour que les séminaires puissent être préparés pour qu’ils soient utiles aux différents participants qui vont en appliquer les résolutions ou les notions apprises dans l’exercice de leur métier. Je pense qu’il faut se demander est-ce qu’il faut continuer avec les séminaires ; auquel cas il faut les améliorer ou est-ce qu’il faut promouvoir les formations in situ, c’est-à-dire les formations au sein d’une rédaction où un expert vient, vit avec les journalistes et essaye de les amener à améliorer leur condition de travail sur le lieu même du travail. C’est aussi une autre façon qu’il faut mettre sur une nouvelle piste. Nous pensons que l’un dans l’autre après avoir fait l’audit de ces séminaires de formation des journalistes qui retombent toujours dans les mêmes travers, nous allons essayer d’étudier de nouvelles pistes et pourquoi pas celle dont je viens de parler, la formation in situ.

La loi sur la presse semble de nos jours quelque peu caduque notamment au niveau de la création et de l’exploitation d’une entreprise de presse qui donne droit à tout citoyen guinéen, professionnel ou non, remplissant les droits civique ou non, la création d’une entreprise de presse. N’est-il pas judicieux et opportun de réviser cette loi en laissant l’exercice de la profession aux seuls professionnels connaissant l’éthique et la déontologie du métier ?

Je suis tout à fait d’accord, je n’ai aucun de problème là-dessus, c’est ce qu’il faut faire et( vous avez touché du doigt la question comme je l’ai dit tout à l’heure. On va le voir, est-ce que à travers les états généraux, ou quelle qu’autre forme. Il faut nécessairement qu’on fasse l’audit serein de la liberté de la presse en Guinée, depuis que la loi sur la presse a été promulguée en 1991. Je suis tout à fait d’accord et même sur le principe que ce soit des professionnels de diriger en tout cas les entreprises de presse.

On part du constat amère que la presse guinéenne constitue une autre poste de pauvreté à cause du sous emploi des journalistes notamment ceux du secteur privé. Les patrons de presse ne respectent aucun texte sur la législation du travail. Aujourd’hui aucun journaliste ne bénéficie d’un salaire décent, d’une inscription à la caisse nationale de sécurité sociale, d’avantage sociaux et autres primes. Ils contribuent à la survie du journal jusqu’au jour de son départ de la boite. Que fait-il faire pour que le métier puisse nourrir son homme ?

Vous savez il y a des métiers, on y vient pas pour s’enrichir, c’est le cas du métier du journalisme. Cela dit, il est important quand même que le journaliste puisse, en étant à l’abri du besoin, bien exercer son métier, mais ce n’est de la responsabilité que de son employeur. On a souvent parler des questions de la convention collective, du statut particulier pour permettre aux journalistes d’avoir des revenus décents. Ce sont des choses à encourager parce qu’un journaliste qui n’est pas totalement à l’abri du besoin peut succomber à la moindre des tentations. Je pense qu’il faut faire évoluer toutes ces questions. Il est normal que les contrats de travail concernant la profession et le professionnel puissent être effectivement pris en compte, puissent être réalisés pour le bien de la profession. Il vous souviendra qu’il y a bien des années maintenant qu’au Conseil National de la Communication, nous avions tenté d’amener les directeurs de publication à établir les contrats afin de sécuriser l’emploi des journalistes amis apparemment les gens, ça ne semble pas trop les intéresser. C’est ce qui est justement à la base du fait qu’il y a là un foisonnement de titres. Parce que dès que les gens ont des difficultés au sein d’une rédaction, ils estiment qu’il peuvent être à l’abri de toutes les tracasseries.

Les cas de décès de journalistes dans les situations lamentables sont nombreux. N’est-il pas maintenant nécessaire de créer un fonds de soutien des journalistes au cas malheureux ?

Je suis tout à fait d’accord. Mais vous savez quand vous avez votre subvention tout le monde prend et le monde disparaît. Çà devrait être une occasion pour les journalistes de marquer leur solidarité, de marquer la confraternité à travers les ressources d’un tel fonds de soutien.

La subvention de l’Etat allouée aux média ne profite qu’aux seuls patrons de presse depuis son adoption par l’assemblée nationale. Quelle est votre vision de cette situation et qu’est qu’il faut pour que le journaliste puisse jouir de cette subvention ?

Ecoutez ce sont des questions internes à vous. Mais c’est vrai que celui qui, à la sueur de son front contribue à l’existence des média lorsque un des fruits est cueilli, devrait aussi en avoir une partie, c’est tout à fait légitime. Nous n’avons aucun moyen coercition sur les différents patrons de presse.Mais, c’est regrettable de ne pas jouir de telles opportunités.

Mais vous réguler les média au compte de l’Etat qui leur accorde cette subvention. Ne pouvez-vous pas initier une autre opportunité pour que ces fonds profitent aux ayant droits quand on sait l’objectif de cette subvention est l’amélioration des conditions de vie et de travail des journalistes ?

Ecoutez les clefs de répartition, vous savez tout le tollé qu’il y a autour de çà. Donc nous essayons de rester sur des questions d’organisation globale de la presse, on ne voudrait pas aller sur ce terrain-là. Puisque nous-mêmes avions proposé, il y a quelque moment, qu’au lieu que cet argent soit mis dans les poches des journalistes qu’il contribue à améliorer le cadre de travail du journaliste. Il y a des charges fixes dans le fonctionnement de l’entreprise, des taxes à payer. Et si les journalistes se battaient dans le sens d’avoir une collectivisation de leur production pour avoir une imprimerie de presse où tous les journaux viendraient pour se faire imprimer. Malheureusement ce sont des questions qui tombent dans des oreilles de sourds.

L’utilisation anormale qu’on fait de cette subvention étant connue, le gouvernement va-t-il continuer à les consacrer uniquement aux patrons de presse ?

Je ne saurais le dire parce que c’est une loi votée à l’assemblée nationale. Actuellement le président de la république, dans cette situation de transition, c’est lui qui accorde cela. Çà va être difficile si les journalistes n’acceptent pas de s’asseoir et de faire évoluer leur vision de la profession, de vouloir ensemble le bonheur collectif.

Comme mot de la fin, livrez-nous la primeur de ce que vous n’avez jamais dis à un quelconque presse…

Je pense plutôt qu’avec la primeur d’une interview à la presse en ligne de ce type que vous me permettez, je dirais ce que je dis à tous. Le métier de journaliste est très important pour la société et donc, nous devons agir avec beaucoup de responsabilité n’étant guidé que par le souci de l’intérêt général.


Interview réalisée par Sotigui KABA et Aboubacar SAKHO pour www.aujourdhui-en-guinee.com

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5 juin 2009

Guinée : détention du journaliste Moise Sidibé, l'Ambassade des Etats-Unis préoccupée

L’Ambassade des Etats-Unis est profondément préoccupée par l'arrestation et le présumé mauvais traitement infligé au journaliste Moise Sidibé. L'Ambassade a reçu des informations selon lesquelles M. Sidibé a été arrêté par des Gendarmes du Secrétariat d’Etat Chargé des Services Spéciaux, de la Lutte Anti-drogue et du Grand Banditisme dans la nuit du 27 mai. Il n'y a eu aucune charge formelle retenue contre M. Sidibé et l'Ambassade a reçu des rapports crédibles selon lesquels M. Sidibé a été physiquement violenté et torturé en détention. On ne lui a pas permis de communiquer avec sa famille ou un représentant légal.

L'Ambassade a aussi reçu des rapports selon lesquels ceux qui détiennent M. Sidibé ont exigé une grande somme d'argent pour sa sortie. M. Sidibé est un journaliste franc qui a occasionnellement critiqué le gouvernement. Cependant, la liberté de parole est la marque d'une société libre et démocratique, et le CNDD au pouvoir devrait reconnaître et respecter les droits des journalistes à exercer librement leur profession. Si M. Sidibé est accusé de commettre un crime, il devrait être correctement inculpé et poursuivi de manière transparente selon les lois de la Guinée. On devrait lui permettre de communiquer avec sa famille et ses avocats. Si M. Sidibé n'a commis aucun crime, il devrait alors être libéré immédiatement. Toutefois, le garder en détention préventive sans charges et le soumettre à des abus physiques et extorsion constitue un acte déplorable de répression inconvenante d'un gouvernement respectable et responsable.

Une déclaration de l'ambassade des États Unis en Guinée, Section des Affaires Culturelles et de Presse, ConakryPD@state.gov 65104176

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2 juin 2009

Guinée : un journaliste enlevé par la junte au pouvoir

Moise Sidibé a été enlevé par des hommes du capitaine Moussa Tiégboro Camara il y a de cela une semaine.
Notre collaborateur Moise Sidibé dont le "Brûlot" égaie les lecteurs de "L’Indépendant" tous les jeudis entame ce mardi son septième jour de détention dans une prison du camp Alpha Yaya Diallo. Moise Sidibé a été enlevé par des hommes du capitaine Moussa Tiégboro Camara Secrétaire d’Etat chargé des Services spéciaux, de la lutte antidrogue et du grand banditisme dans la nuit du mercredi dernier à son domicile situé à Dabondy 2, dans la Commune de Matam.

Le journaliste prenait tranquillement son repas du soir, aux environs de 20h, après une journée trop chargée par les contraintes de bouclage de votre semainier, lorsque des hommes en uniforme ont envahi la devanture de son domicile. A première vue, ils étaient venus opérer une rafle dans le motel ‘’ la colline’’ qui jouxte la maison du journaliste.

Mais en plus de la bande de jeunes qui avaient pris d’assaut ce lieu à l’occasion de la grande soirée de foot que certaines chaînes cryptées étaient en train de faire vivre au public à travers la lucarne du petit écran (c’était la finale de la champion’s league qui opposait Barcelone au club mancunien), les agents ont embarqué tout le monde, y compris Moise Sidibé, sa sœur cadette, son fils et son frère. Destination le camp Alpha Yaya Diallo où ils ont été logés dans un cachot aménagé par les Services spéciaux.

La mère de notre collaborateur malgré la force de l’âge, a du mal à digérer ce rapt. Mme Fatou Sidibé est bien la propriétaire du motel la ‘’Colline’’, mais ce lieu est un établissement hôtelier qui obéit aux normes prescrites par les autorités compétentes. Pour preuve qu’elle n’opère pas dans la clandestinité depuis la première République, elle dispose de toute une pile de dossiers, allant du permis d’exploitation à la quittance de la taxe de la promotion touristique pour l’exercice 2009.

Il y a donc lieu de se demander si la lutte contre le grand banditisme est devenue un prétexte pour restreindre les libertés des pauvres populations qui ne demandent qu’à vivre dans la quiétude. Aujourd’hui, on est arrivé à une phase où les citoyens ont réduit considérablement leur mouvement. Vivant dans la hantise de tomber dans le filet des hommes de Tiegboro qui ont du mal à faire la distinction entre les criminels et les bonnes gens.

Un pauvre citoyen qui sirote sa bière dans un bistrot pourrait passer pour un dangereux criminel si jamais par malheur des hommes des Services spéciaux passaient par là. C’est le lieu pour notre rédaction d’attirer l’attention de l’opinion sur le sort de notre journaliste qui croupit en prison depuis maintenant une semaine pour des raisons inavouées.

La junte qui dit rompre avec les pratiques qui avaient cours dans le passé risque de faire pire si l’on n’y prend garde. En tout cas à l’allure où vont les choses, les Guinéens sont loin d’être rassurés sur l’avenir de leur pays. Vivement donc la libération de Moïse Sidibé.

La Redaction de L'Independant

Source : L’Indépendant de Guinée

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16 mai 2009

Guinée : détérioration des Droits de l'Homme, le Barreau désenchanté.

Déclaration de l'ordre des avocats de Guinée
Sous la première République, les droits et libertés individuels étaient bafoués. Chaque militant avait l’obligation de faire don de sa personne pour l’édification du système révolutionnaire. La justice, démantelée, était également au service de la révolution. Avec l’avènement de la deuxième république et l’adoption d’une constitution en 1990, les droits et libertés individuels ont été formellement consacrés.

Les citoyens étaient cependant fréquemment victimes de toutes sortes d’exaction de la part d’hommes en uniformes qui se croyaient au dessus de la loi et qui bénéficiaient de l’impunité la plus totale.

La Justice, volontairement reléguée au second plan, était soumise à es interférences et pressions des cadres de l’administration civile et militaire.

La prise du pouvoir par le Conseil National pour la Démocratie et le Développement (CNDD) le 23 décembre 2008 a suscité un immense espoir dans les cœurs de l’écrasante majorité des Guinéens excédés les abus du système CONTE.

Le CNDD avait affirmé dans ses toutes premières déclarations radiodiffusées sa volonté de mettre un terme à la souffrance du peuple de Guinée en s’engageant à lutter contre l’anarchie qui caractérisait la Deuxième république, par une meilleure gestion du pays fondée sur la primauté du Droit.

L’espoir des Guinéens était à la mesure des souffrances qu’ils ont endurées pendant les cinquante années d’indépendance nationale.

Quatre mois après la prise du pouvoir par le CNDD, force est de constater que la situation des Droits de l’homme s’est nettement détériorée.

Le Barreau de Guinée, en tant que sentinelle de l’Etat de droit, s’inquiète des multiples intimidations, menaces, agressions, arrestations, détentions arbitraires et autres abus inadmissibles commis par des hommes en uniformes sur de paisibles citoyens.

La prise du pouvoir par le CNDD semble faire croire à chaque militaire ou paramilitaire qu’il exerce une portion de ce pouvoir là où il se trouve.

Cette situation aurait pu être considérée comme le fait d’éléments incontrôlés des forces de défense et de sécurité.

Mais l’existence au sein de la structure gouvernementale d’un Secrétariat d’Etat chargé des conflits a fini par convaincre les défenseurs des droits de l’homme que ces pratiques sont plus ou moins tolérées sinon encouragées par les nouvelles autorités.

Or, bien que les Guinéens vivent dans un régime d’exception depuis l’avènement du CNDD au pouvoir, il existe au sein du Gouvernement un ministère chargé de la Justice et une ordonnance a été prise pour maintenir l’application de toutes les lois de procédure en particulier.

Cela n’est pas une simple bienfaisance de la junte militaire.
En effet, dans toute les sociétés modernes, qu’elles soient de type démocratique ou autoritaire, la mission de rendre la justice est dévolue à des organes spécialisés que sont les Juridictions.

La création d’un Secrétariat d’Etat chargé des conflits, à côté du ministère de la Justice , constitue donc une véritable négation du rôle des Cours et Tribunaux.

Aujourd’hui, des citoyens et même des Avocats sont régulièrement convoqués au Camp Alpha Yaya DIALLO où ils comparaissent soit devant le Secrétaire d’Etat chargé des conflits, soit devant le Président de la République en personne pour débattre de procédures judiciaires à caractère civil, commercial, pénal ou social en l’absence de toute garantie d’ordre procédural, notamment la possibilité de l’exercice des voies de recours.

Même des affaires définitivement jugées depuis de nombreuses années sont exhumées et portées devant le CNDD par des justiciables insatisfaits.

Dernièrement, le Secrétaire d’Etat chargé des conflits affirmait lui-même à la Télévision Nationale qu’il avait plus de quatre mille dossiers à « Juger ».

Cette déclaration aurait pu paraître à sourire si elle ne cachait pas une réalité peu honorable pour la Guinée.

En effet, il résulte de ces pseudo procès, retransmis sous la forme de shows télévisés, des décisions qui n’offrent aucune possibilité de recours dans le contexte actuel mais qui pourraient être remises en cause après le CNDD.

Ce qui serait un éternel recommencement.

Pire, le ministère chargé de la sécurité Présidentielle s’est doté d’une structure dénommé Bureau des Investigations Judiciaires et qui s’attribue des prérogatives reconnues aux Cours et Tribunaux.

La situation est telle qu’à chaque coin et recoin du Camp Alpha Yaya DIALLO ou des autres Camps militaires du pays, se trouve un groupuscule d’hommes en uniformes qui s’érige en tribunal.

En ce qui concerne l’ingérence du Président du CNDD dans les affaires Judiciaires, on ne peut manquer de relever la confusion que l’on tente de créer au sujet de l’appellation de « premier magistrat » attribuée au Président de la République.

Dans le sens le plus moderne, cette appellation s’explique par le fait que le Président de la République est le Président du Conseil Supérieur de la Magistrature et le garant de l’indépendance des juges. Mais il n’est investi d’aucune attribution juridictionnelle ; il n’est pas juge, il ne peut donc juger.

Sous le régime du Général Lansana CONTE, le citoyen se plaignait des interférences du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif dans le fonctionnement de l’appareil judiciaire.

Aujourd’hui, le pouvoir judiciaire, encore et toujours aux ordres, est en passe de disparaître complètement du paysage institutionnel de la Guinée.

Les insuffisances de la justice guinéenne sont connues de tous les plaideurs et de tous les observateurs tant nationaux qu’internationaux, et font l’objet de nombreuses critiques malheureusement justifiées dans bien des cas.

Mais quelle que soit la pertinence de ces critiques, elles ne peuvent pas conférer de légitimité aux pratiques actuellement en cours au Camp Alpha Yaya DIALLO et une décision prise à l’occasion d’un litige par un organe compétent en la matière ne peut avoir la même valeur juridique qu’un jugement ou un arrêt rendu par les organes habilités à trancher les conflits.

Ce n’est pas en créant des juridictions parallèles qu’on pourrait résoudre les problèmes de la justice guinéenne.

Le CNDD aurait été mieux inspiré en explorant d’autres voies notamment le fonctionnement normal et correct du Conseil Supérieur de la Magistrature qui exerce des attributions disciplinaires à l’endroit des magistrats du siège coupables de fautes professionnelles et le renforcement des capacités de l’inspection générale des services judiciaires.

La Guinée a d’ailleurs besoin d’une réforme profonde de sa justice en termes de structures, de ressources humaines et matérielles.

C’est pourquoi, le Barreau de Guinée se propose de publier très prochainement un mémorandum sur l’état de la Justice guinéenne et les mesures qui lui paraissent utiles et nécessaires en vue des réformes souhaitées.

Mais d’ores et déjà, le Barreau de Guinée attire l’attention du CNDD sur l’impérieuse nécessité de :

-Supprimer le Secrétariat d’Etat chargé des conflits, le bureau des investigations judiciaires créé au ministère chargé de la sécurité présidentielle et toute autre forme de justice parallèle instaurée dans les camps militaires;
-Mettre un terme à toutes sortes d’immixtions dans le fonctionnement de l’appareil judiciaire;
-Faire cesser les intimidations, les menaces, les exactions et les arrestations arbitraires.

Conakry, le 13 mai 2009
Pour le Barreau de Guinée
Le Conseil de l’Ordre

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14 mai 2009

Guinée : plaidoyer pour un débat clair et constructif

La démocratie est par excellence le régime de la concurrence des idées et des opinions. Ce qui fonde la légitimité de l’idée de critique dans tout régime démocratique. Aucune démocratie ne peut se prétendre sérieuse et vivante, si elle n’admet pas la critique. Ce principe, en tant qu’une des caractéristiques de l’idée de démocratie, est essentiel à la recherche et à la construction de l’intérêt général.

Cette liberté d’opinions et de pensées, ainsi que de leurs expressions démocratiques ont pour corollaire le principe de responsabilité. Une responsabilité qui incombe à tous les acteurs du système à commencer par le citoyen lui-même, sans oublier les institutions publiques, les partis politiques, la société civile et les médias.

Cette notion de responsabilité implique pour chacun, à l’occasion de chaque acte posé, de concilier la légitime expression de ses opinions avec l’intérêt général recherché comme but ultime. Autrement dit, chaque liberté démocratique n’est ainsi que parce qu’elle contribue à la réalisation et à la préservation du bien être collectif.

Après cinquante ans d’autoritarisme ravageur, de déni des droits et libertés et de méconnaissance de la souveraineté populaire, la possibilité et le droit pour chaque guinéen ou chaque entité guinéenne de pouvoir donner son opinion sur la situation guinéenne, est compréhensible et légitime.

Porter un regard critique sur l’exercice nécessairement libre de ce droit démocratique est tout aussi légitime. C’est pourquoi, dans l’intérêt du pays, il convient d’admettre que la soif des guinéens de ce droit et de son expression démocratique ne peut être un prétexte à des polémiques inutiles, des analyses confuses et des conflits aux intérêts particuliers, surtout dans une période si sensible… !

A observer et écouter le débat politique guinéen, on est tout de suite déconcerté par la légèreté, la partialité et la subjectivité trop palpable et nuisible de celui-ci.

A tel point que tout le monde est devenu analyste, expert et spécialiste en tous genres. La légèreté primant sur le sérieux, la subjectivité sur l’objectivité.

Les prises de positions politiques partisanes se décrivent comme des analyses politiques objectives !
Les propagandistes se disant patriotes !

Plus aucune lisibilité. Encore moins la lucidité intellectuelle requise. C’est le monde des évidences chevillées au corps et à l’esprit hypnotisé. Et pourtant, comme il n’y a aucune honte à faire de la politique partisane, alors pourquoi ne pas annoncer la couleur et l’assumer démocratiquement ?

Tout le monde s’en portera mieux. Avec des engagements politiques plus lisibles et plus cohérents, et des débats intellectuels plus objectifs et plus utiles. Car, cette confusion manifeste dans le débat guinéen entre les analyses politiques partisanes (non moins légitimes) et les analyses non partisanes (sans pourtant se déclarer détenteur de vérité absolue !), est très dommageable pour la lisibilité de la situation guinéenne et la compréhension constructive de sa démocratie à naître.

Le débat autour de la mise en place du conseil national de la transition (C.N.T), reflète bien cette illisibilité et cette subjectivité dans la lecture et l’analyse des enjeux politiques, sociaux et intellectuels auxquels la Guinée est confrontée.

Avant de soulever les points qui font polémiques, je souhaiterai d’abord exposer succinctement les principes et les valeurs qui fondent, structurent et nourrissent ma démarche et mon engagement.

Le premier principe est celui de la spécificité du temps politique actuel en Guinée. Une spécificité qui s’explique par une temporalité et un environnement politiques hors des paradigmes politiques ordinaires.

Par ailleurs, l’histoire politique guinéenne recèle ses propres caractéristiques dramatiquement singulières, qui nous mènent ainsi d’étape historique par étape historique à des situations de gestion de moins en moins ordinaires et de plus en plus extrêmes. L’exceptionnalité des circonstances politiques guinéennes doit être aussi appréhendée dans ce qu’elle change et exige des organes institutionnels, politiques et sociaux.

Cela explique le statut de l’autorité de transition (le CNDD et le Gouvernement) et la position singulière qui revient par la circonstance aux partis politiques. Contrairement au temps précédent, celui de la transition exige de chacun de ces acteurs principaux des attitudes sui generis.

Pour les organes de transition, c’est à dire le CNDD, son chef et le gouvernement, les impératifs sont les suivants : neutralité et impartialité dans la conduite de la transition ainsi que les prises de décisions qui s’y rattachent.

Les conséquences de ces impératifs se trouvent dans le principe non négociable qui impose aux membres du CNDD de ne pas se présenter aux élections prochaines. Cette neutralité et cette impartialité doivent leur procurer aussi une certaine présomption de bonne foi et d’objectivité….jusqu’à preuve du contraire.

Une fois posés ces éléments, il importe d’accorder au CNDD le respect et la considération dus aux fonctions qu’ils assument et aux missions qu’ils se donnent pour but de réaliser.

Pour les partis politiques, les exigences sont de l’ordre de la réalité sociale et politique. On n’est pas le même parti politique sous le régime de Conté que sous la période de transition. Une telle confusion aura des conséquences fâcheuses pour le déroulement de la transition. Car, on est opposant que face à un organe qui prétend aussi à la conquête du même pouvoir. Or, dans mon esprit (car je ne peux l’imaginer autrement !) le CNDD n’est pas cet organe. Son premier chef, en l’occurrence le chef de l’Etat, a très officiellement déclaré sa volonté d’œuvrer pour une transition démocratique en Guinée, et ne pas se présenter aux élections à venir. Position plusieurs fois réaffirmée. Prenons en acte !

Les partis politiques et certaines sociétés civiles doivent faire preuve d’intelligence, de patience constructive et de sincérité dans ce processus de construction démocratique. Toute option de courte vue de leur part leur reviendra comme un boomerang.Les fautes politiques ne sont jamais facilement expiables.

Et je considère par exemple que cette obsession de l’élection coûte que coûte et vaille que vaille, dans 8mois, est la preuve d’une lecture incomplète de la complexe et fragile situation politique guinéenne, mais aussi une faute politique et intellectuelle lourdes de conséquences à court et long terme.

Jusqu’à preuve du contraire, et malgré des actes critiquables posés ici et là, malgré quelques maladresses et imprudences, moi je continue à accorder ma confiance…critique à l’autorité de transition et lui accorde le crédit de sa sincérité. Cela n’empêche pas de noter qu’il est extrêmement urgent de discipliner l’armée, de protéger la population contre les brutalités et les incivilités militaires (l’armée n’est pas au dessus de la loi !), de protéger les droits fondamentaux des citoyens et de la personne humaine.
Sans quoi, sans aucun doute, tous les efforts du CNDD seront vains et ce sera un gâchis historique !

Je fais la différence entre les impérities dans la gouvernance du CNDD et le quasi belli politique et éthique. Je ne pardonnerai jamais au CNDD s’il ne respectait pas le pacte de confiance conclu avec le peuple de guinéen. A savoir : favoriser l’essor d’un environnement sociopolitique et économique démocratiques, la reforme profonde de l’armée et l’interdiction de se présenter aux élections à venir.

D’ici là, je m’interdis tout procès d’intention et toute participation aux polémiques inutiles. Les faits, rien que les faits. Et chaque fait à juger et à analyser à sa juste valeur.

Il faut donc éviter, comme le guinéen en est souvent habitué en premier lieu certains de ses médias et certains politiques, les procès d’intentions, les jugements hâtifs et subjectifs et les propagations de rumeurs non vérifiées et sans fondement.

Le deuxième principe qui fonde ma démarche est le bannissement de tout procès au patriotisme. Il est fort regrettable de constater la récurrence dans le débat sociopolitique guinéen, du procès au patriotisme. Pendant que les uns délivrent le brevet de patriotisme, les autres confectionnent la carte d’honorabilité démocratique. Avec une idée démocratique tantôt dogmatique, tantôt étriquée, simplement au gré de leurs seuls intérêts partisans et de courte vue.

Qu’est ce que c’est que ce procès insipide au patriotisme ?
D’ailleurs, comment définit-on un patriote guinéen ?
Est-ce celui qui est proche des « Forces vives » comme l’air du temps l’imposerait ?
Est-ce celui qui supporte le CNDD ?
Ou alors le patriote serait le guinéen qui vit en Guinée ?
Sauf si c’est plutôt un guinéen qui ne voit la Guinée qu’à travers lui-même ?
Foutaise !
Comment reconnait-on un patriote dans un pays où toutes les structures sociales, politiques et administratives, ont à un moment ou un autre fourvoyé leur respective légitimité substantielle ?
Comment définit- on un patriote guinéen, quand ce pays n’a rien réussi à donner à ses fils et filles (et inversement) comme valeurs et principes politiques fondateurs ?
Pour être patriote, il faut une philosophie de patrie. Celle de la Guinée, où est-elle ?
Mon propos n’est pas de porter un jugement de valeur sur le concept de « patriotisme ». Il se situe dans le fait que, pour juger, il faut des normes de référence. Où se trouvent celles de la Guinée ?

Je ne parle pas de ces formalistes normes juridiques (Constitution, Lois, règlements) que la quasi-totalité des guinéens violent facétieusement avec une innocence déconcertante. L’anormalité devient la normalité. Et pour chaque guinéen, la loi est faite pour « l’autre », le « méchant autre », mais jamais pour lui.

Comment peut-on être, dans un pays dans lequel la violation massive et quotidienne des lois est un sport national, si prompt à des procès au patriotisme ?
En Guinée, il y a des guinéens trop corrompus et des guinéens trop corrupteurs. Et l’addition est explosive !
Il n’est pas sûr que l’intérêt de la question guinéenne se trouve dans le sentimentalisme politique, aimer ou ne pas aimer son pays, sa Patrie.

Je n’ai jamais adhéré à ce genre de discours simpliste et partiellement déresponsabilisant. Pour aimer une Patrie, encore faut-il qu’elle existe, qu’elle soit en mesure de mériter cet amour. Ce qui relève d’un travail en amont pour la construction d’une société politique responsable.

Un sérieux travail intellectuel (je n’utilise jamais ce concept comme un « excluant », mais comme un appel à l’esprit et à la raison de tous les guinéens, dans un rapport cohérent et ouvert) auquel la Guinée et les guinéens ont souvent et toujours préféré les discours, les incantations, les moralismes, et les mimétismes décalés et sans mise en perspective politique et intellectuelle.

Pour faire un procès au patriotisme, il faut d’abord avoir une Patrie (dans son sens profond) et pouvoir se prévaloir d’un environnement sociopolitique et économique et administratif où le respect de la norme demeure le reflexe naturel et la règle générale.

D’ici là, pour l’intérêt et la profondeur du débat, aucun guinéen ne doit s’arroger le titre, ni le droit de traiter d’autres guinéens d’être plus ou moins patriotes. Le débat doit rester un débat de divergences politiques ou intellectuelles. Et rien d’autre !

En outre cette posture est inutile, car elle ne fait guère avancer le débat, et dangereuse parce qu’elle clive les guinéens.
Pour ce qui est de mon cas, je me défends de porter un tel procès contre un compatriote. Quel qu’il soit !

Enfin mon troisième principe est celui de la clarté du positionnement et de la démarche.
Bien évidemment, la frontière entre l’objectif et le subjectif n’est pas toujours évidente. Mais il est constamment recommandé pour tout analyste qui se voudrait neutre et objectif d’en faire un souci permanent. D’avoir toujours à l’esprit que tout travail qui veut prétendre au statut intellectuel se doit d’exiger de la rigueur et de l’objectivité. Une objectivité qui implique d’aller s’il le faut à l’encontre de ses propres intérêts et de ses propres affinités.

Pour ma part, sans jamais prétendre à une quelconque vérité absolue, je m’efforce dans mon exercice d’analyse de la situation guinéenne et de la transition, d’être le plus impartial et le plus objectif possible. Faisant ainsi en sorte que mes défauts probables, si défauts il y a, soient dans mes opinions intellectuelles en substance et non dans la partialité et la subjectivité de leur expression.

Il n’est point question pour ma part de nier toute possibilité de subjectivité. Mais plutôt de la contenir ou, à chaque fois qu’elle se manifeste, de la mettre à l’épreuve de la rigueur intellectuelle et de l’intérêt général.

C’est pour cette raison que pour ma part, je ne suis pas favorable à la théorie de l’affrontement politique. Une théorie qui apparaît comme la conséquence logique d’une lecture subjective et partisane de la situation guinéenne.

Ceci à certaines conditions toutefois :

- Que le CNDD demeure neutre et impartial et qu’il agisse loyalement pour mener à bien cette transition si capitale pour le peuple de Guinée.
- Que l’élection libre et totalement transparente reste comme l’aboutissement naturel et incontournable de cette transition.

- Enfin, qu’aucun membre du CNDD ou du gouvernement ne soit candidat aux élections à venir.

Une fois clarifiés ces préalables fondamentaux, je reviens sur les polémiques soulevées pour la mise en place du conseil national de la transition (C.N.T).

- Le premier sujet de polémique est lié au rôle du C.N.T.
Organe consultatif ou législatif, tel semble être le débat.
On accuse d’emblée le CNDD de vouloir torpiller et saborder le conseil national de la transition. On l’accuse même de dérive dictatoriale. Accusation à mon sens excessive et inappropriée.

Ma première interrogation est la suivante : pourquoi perdre son temps à faire ces procès d’intentions et à lancer tous ces anathèmes, quand il y a bon nombre de sujets sur lesquels on peut légitimement critiquer le CNDD pour faire avancer positivement les choses ?

Car, sur cette question du rôle qui devra être dévolu au C.N.T, les deux possibilités demeurent possibles, et chacune avec sa logique et sa lecture de la transition.

A mon sens, le choix d’un statut consultatif est plus logique, plus cohérent et plus souhaitable qu’un statut législatif qui m’apparaît plus illogique, moins cohérent et plus risqué.

· Première possibilité : le C.N.T est un organe consultatif.

A priori, il n’y a rien d’antidémocratique à ce que le C.N.T soit un organe consultatif.

Dans ce cas de figure, au delà de sa réalité normative, la légitimité démocratique de cet organe résultera aussi de l’intérêt effectif de son existence, de la réalité de son rapport avec le CNDD et le gouvernement, de la force et de la qualité de ses membres, de ses avis et de ses propositions.

Le mérite de ce choix réside dans le fait qu’il érige implicitement et légitimement le peuple en organe suprême de dernier recours sur toutes les questions fondamentales de la Guinée, au delà du fait qu’il facilitera une collaboration consensuelle et responsable.

Ainsi, il devra être mentionné dans l’ordonnance qui instituera le C.N.T, qu’en cas de désaccord profond sur une question entre le CNDD et le CNT, il reviendra au peuple de le trancher en dernier ressort, puisque, aucun de ses deux organes ne peut se prévaloir objectivement d’une légitimité suffisamment démocratique, ni d’une représentativité politique et sociale formellement et substantiellement démocratiques.

En outre, c’est le statut consultatif qui correspond le mieux à cette période de transition.

Car, ce choix ne sera pas contradictoire avec la volonté d’aller le plus vite possible vers une sortie effectivement démocratique de la transition, sans précipitation, ni grand risque d’affrontement.

On peut évidemment apporter quelques éléments d’amélioration à un CNT consultatif.

Notamment en lui donnant aussi le pouvoir de faire des propositions sans avoir été préalablement saisi par le CNDD. Ceci à la suite d’un vote libre, transparent et secret.

On peut aussi, sur certaines questions fondamentales, exiger un avis conforme du CNT, et à défaut demander le renvoie au peuple…lors du référendum général.

A t- on le droit de penser et d’exiger qu’en cette période de transition, aucun choix fondamental relatif au destin politique, social et économique, ne sera fait sans demander clairement et formellement l’avis du peuple ?

Cette période de transition doit surtout permettre au peuple d’avoir une lisibilité et une compréhension de toutes les problématiques et de tous les enjeux auxquels il fait face, pour une meilleure expression de son choix démocratique.

Dans cet objectif on peut accorder au CNT le statut du lieu officiel du débat relatif aux reformes constitutionnelles et institutionnelles, avant de solliciter l’avis du peuple.

Dès lors, il est caricatural de comparer le choix consultatif à une non démocratie et à une volonté autoritaire et totalitaire.

Il vaudrait mieux enrichir le statut consultatif et le fonctionnement du CNT, que de vouloir inconséquemment en faire un organe législatif.

Il revient au final aux membres du CNT de faire preuve de caractère, de liberté, d’indépendance et de responsabilité historique.

Enfin, il convient de signaler que ce débat statutaire est aussi la conséquence d’un manque de projets clairs et perceptibles propres au CNDD pour la durée de la transition.

Il aurait été souhaitable et utile que le CNDD établisse et propose au pays son propre chronogramme détaillé de la transition avec toutes les étapes et tous les objectifs recherchés. Celui-ci aurait pu servir de premier document de dialogue et du travail avec toutes les parties prenantes. Cela n’a pas été fait, et ce fut une erreur politique.

Même pour une période de transition qui par définition est courte, gérer un pays demande d’avoir une vision politique, de l’établir et de convaincre de son utilité pour la nation à construire.

Sans son propre projet de transition, le CNDD s’est politiquement et stratégique enchaîné aux « Forces vives » qui, il fallait s’y attendre défendent leur propre projet de transition avec stratégies.

Position quelque peu schizophrénique du CNDD, qui demande aux « Force vives » de lui proposer un chronogramme de la transition, sans avoir préalablement établit le sien, se mettant ainsi en position de devoir accepter le projet proposé, alors même qu’il ne lui était pas interdit d’en rechercher, étudier et d’en établir un autre.

Il n’est pas trop tard pour le CNDD de se faire comprendre des guinéens, toujours dans la logique du respect du pacte établit en décembre 2008, pour assumer, dans le dialogue, son autorité et sa responsabilité dans la transition.

Car, la transition, c’est le CNDD qui en a la charge politique. Il le faut assumer assumer ses choix programmatique dans le respect du pacte avec le peuple.

C’est pourquoi, pour ma part, je préfère un CNT consultatif et non un CNT législatif source de confusion d’autorités dans cette période qui n’en a guère besoin.



· Deuxième possibilité : le C.N.T est un organe législatif

J’affirme ici très clairement, pour ma part, que je suis opposé à la mise en place d’un C.N.T au rôle législatif.

Je ne prétends absolument pas à une vérité absolue, mais j’ai des raisons précises qui me conduisent à faire le choix de cette position.

Tout d’abord, je trouve étonnant l’attitude des « Forces vives » qui consiste à vouloir s’ériger en représentant exclusif et législatif du peuple. Ce qui n’est point leur rôle !

La situation sociopolitique guinéenne est particulièrement caractérisée par les symptômes singuliers d’une disjonction entre les légitimités formelles et les légitimités substantielles.

Autrement dit, quand les légitimités supposées et revendiquées ne collent pas avec les représentativités sociales et politiques nécessaires, le système s’enrouille et fini par exploser.

Il ne s’agit pas de nier une certaine légitimité des partis politiques et de la société civile, mais de leur donner leur juste valeur afin d’éviter qu’elles se prétendent l’incarnation exclusive du peuple et de légiférer en son nom.

Qui peut nier les interrogations qui demeurent quant à la composition, aux missions et au fonctionnement des « Forces vives » ?

Disons le d’emblée, la légitimité des partis politiques souffre, il faut le dire d’une certaine vacuité sociopolitique et fonctionnelle.

Pour les autres structures des « Forces vives » les choses ne sont pas meilleures (à l’exception relative des syndicats qui sont par définition des organes corporatistes et professionnels).

Pourquoi choisir telle association plutôt qu’une autre ? Quelle est la réalité de l’implantation de telle ou telle autre association sur le territoire national ? Quelle est ou a été l’utilité publique de telle ou telle association ? Quelle est leur représentativité réelle au sein de la société guinéenne ?

On peut aussi s’interroger sur les limites de cette confusion « organique permanente » de la société civile avec les formations politiques. Alors même que par essence, par finalité et par prudence, la société civile se doit de garder sa liberté et son indépendance critiques et constructives.

Il est bien sûr normal et même souhaitable que sur certaines questions et à certains moments, des partenariats et des accords soient possibles.

Mais une vérité reste tenace : les partis politiques légitimement, sont toujours dans la logique de la conquête du pouvoir. Ce qui implique stratégies, plans, arrières pensés et concurrence politique, au point quelques fois de donner l’impression de vouloir laisser au second plan l’intérêt général.

La société civile comme une des figures et d’expressions du peuple, se doit elle de se placer dans une logique qui va bien au delà de la subjectivité et de la superficialité politiques, sans pour autant se définir comme le représentant législatif du peuple.

Puisque, aucun acte de ce genre, de la part du peuple guinéen, n’a été démocratiquement et manifestement posé.

La vaillance, le courage et la bravoure de la société civile et des partis d’opposition dans le combat contre le régime de Conté, est profondément respectable, mais insuffisants pour faire d’eux les représentants démocratiques du peuple.

En disant cela, vous risquez les procès en courtisanerie du CNDD, et en manque de qualité démocratique. Et si par malheur vous êtes en plus résidents à l’étranger, vous serez par ailleurs frappés d’illégitimité sociale et politique. Pendez-moi !

Et surtout, les dramatiques évènements de février 2007, s’ils ont permis à certain(e)s de faire oublier leurs années de complicité passive et active avec l’ancien régime, ne leur donne pour autant aucune légitimité démocratique pour se poser en incarnation exclusive du peuple de Guinée, ni pour légiférer en son nom. Quel honneur dis-je. Pendez-moi !

Par ailleurs, avoir ou être dans un parti politique, avoir ou être dans un syndicat ou une association, ne fait pas de quelqu’un ou d’un groupe, le représentant du peuple au point de vouloir se poser en législateur.

Si les partis politiques de par la Constitution sont légaux et légitimes par enchaînement conséquent et par supposition, personne en Guinée, sauf à avoir la mauvaise foi, n’ignore la déficience de leur représentativité, l’épuisement et la fragilité de leur légitimité supposée.

Dire que la plupart des partis politiques guinéens n’ont sur le plan interne aucun fonctionnement démocratique sérieux, qu’ils sont globalement clientélistes, que l’argent reste l’élément central de la majorité des (faux) engagements militants, et qu’ils travaillent sérieusement très peu sur le fond des problématiques sociales, politiques et économiques de la Guinée, serait un crime de lèse-majesté. Pendez-moi !

Dire que de nombreuses associations, y compris certaines de celles qui composent les « Forces vives » sont souvent déficientes en représentativité légitime et qu’elles incarnent quelque fois l’élitisme bourgeois qui invente sa légitimité au creux des bonnes intentions et du moralisme politique et qu’elles pensent souvent, comme les formations politiques d’ailleurs, à la place du peuple au lieu de l’associer à la réflexion et à la recherche des solutions, serait une forfaiture aux yeux de cette élite prétentieuse et abîmée. Pendez-moi !

Dire que les « Forces vives » sont inconséquemment trop pressées d’aller aux élections, fera automatiquement de vous le suppôt du diable, l’antidémocrate et l’ennemi du peuple guinéen. Alors pendez-moi !

Dire que l’élite politique, administrative et économique guinéenne, en tout cas jusqu’aujourd’hui, a été le parfait complice du chaos guinéen et qu’elle est structurellement un obstacle à la construction de la démocratie guinéenne, vous fera mériter l’enfer. Pendez-moi avant !

J’entends déjà les partis politiques et certaines structures de la société civile crier au scandale contre ceux qui osent mettre en doute leurs pleines légitimités et représentativité démocratiques. Je mérite la guillotine alors !

Il est d’ailleurs préoccupant qu’en Guinée, toute critique des partis politiques et de la société civile, toute chose naturelle et légitime ailleurs et qui devrait l’être encore plus en Guinée aujourd’hui quand on connaît la réalité sociale et politique, le clientélisme, le manque de transparence et de démocratie de ces mêmes structures, devient un passeport qui fera de vous un soutien du CNDD, un imposteur, un antidémocratique, un adulateur et je ne sais quoi d’autre. Si susceptibles dans l’opposition, comment réagiront- ils une fois au pouvoir ? Au poteau Mr Diaby !

Soyons un peu sérieux !

Que ceux qui croient qu’on pourra construire du neuf avec des vieux réflexes et des vieilles pratiques se prépare au désenchantement.

Il n’y aura pas de construction d’une démocratie solide et utile en Guinée sans passer par la mise en critique constructive des partis politiques, de la société civile, des médias et même de certains comportements populaires, ainsi que de leurs respectives légitimités substantielles et fonctionnelles.

La somme des partis politiques aux bases ethniques ne fait pas la Guinée, la Guinée n’est pas et ne doit pas être la somme des ethnies, ni des structures ethniques, la Guinée doit être simplement la somme des guinéens, comme citoyens.

Ce n’est donc pas parce qu’on retrouve, vu le nombre des partis politiques, des partis de tout groupe ethnique, que leur ensemble fait une représentativité démocratique souhaitable.

Ensuite, je m’interroge sur le fonctionnement et l’utilité d’un CNT comme organe législatif.

Comment fonctionnera t-il dans un schéma institutionnel déjà confus ?

Quelle utilité aura t-il dans une période de transition qui par définition sera courte et gouvernable par ordonnance (dans le respect des libertés et droits fondamentaux) jusqu’au rétablissement de la légalité constitutionnelle ?

Pourquoi donc un organe législatif et pour quelles législations ?

Que se passera t-il si le CNT refuse de voter un projet transmis par le CNDD ? Affrontement !

Que passera t-il si le CNT vote une loi qui n’a pas le soutien du CNDD ? Affrontement !

Que faire si le gouvernement est en désaccords avec le CNT ? Affrontement !

Quelle place et quel rôle pour le gouvernement ? C’est le flou !

Quel sera le rapport entre le CNT, le gouvernement et le CNDD ? Vive la confusion !

C’est en répondant à ces questions que chacun pourra avoir une idée claire des enjeux et des logiques qui nourrissent ce débat et les arrières pensés de chaque partie prenante.

Ceux qui par exemple définissent le CNT comme un contre pouvoir ont bien sûr une perception politique et stratégique du fonctionnement et de l’utilité de cet organe.

Ils ont leur cohérence. Mais c’est une option inappropriée et périlleuse.

Le temps de l’affrontement démocratiquement politique viendra. Le temps actuel doit être celui de la négociation, du consensus et du compromis fonctionnel et décisionnel. Pour le bien de la Guinée. C’est justement ce que je souhaite.

Non pas que je veuille laisser tout le pouvoir entre les mains du CNDD, mais parce que je pense que dans cette période de transition si fragile, et si imbibée d’incertitudes, les confusions institutionnelles, les postures d’opposition et d’affrontement institutionnels et politiques seront plus nuisibles que constructives.

On a suffisamment de choses importantes à faire actuellement en Guinée, que de se doter d’une autre usine à gaz institutionnelle et fonctionnelle, avec un cadre général déjà complexe et flou.

Faire du CNT un organe législatif n’est donc, ni juridiquement, ni politiquement, ni techniquement nécessaire.

Le choix d’un statut législatif pour le CNT n’est pas juridiquement nécessaire, parce qu’il est suffisant pour cette période de transition, de gouverner par ordonnance, tout en respectant les droits fondamentaux du citoyen et de la personne humaine. On pourrait aussi lors de la reforme constitutionnelle inscrire dans la nouvelle Loi Fondamentale que les ordonnances prises en période de transition devraient, si cela est nécessaire, être conformes à la Constitution. Cela aussi bien dans leur sens formel (distinction entre le domaine de la loi et celui du règlement) que substantiel.

Le choix d’un statut législatif pour le CNT ne sera pas politiquement utile, parce qu’il recèle en lui une optique d’affrontement politique qui n’est pas souhaitable en cette période de transition. Il n’y rien de plus politique que faire la loi. C’est un choix stratégique pour toute entité politique et sociale.

Le choix de cette logique de confrontation possible dans une période qui doit surtout être caractérisée par le compromis et le consensus, est fort risqué pour la réussite de cette transition. Il est conseillé d’améliorer le statut consultatif sans pour autant opter imprudemment pour un statut législatif.

Le choix d’un statut législatif pour le CNT sera techniquement périlleux, parce que cet organe viendra s’ajouter aux deux autres organes aux relations déjà confuses. A savoir le Gouvernement et le CNDD. Et comment faire avec un autre organe supplémentaire et de surcroît législatif ?

Cette confusion institutionnelle n’est guère propice à un travail serein et efficace.

Ce débat donne l’occasion de souhaiter certaines clarifications des institutions de la transition : Il faut clarifier le rôle du CNDD en lui procurant des structures de fonctionnement adéquates, intelligibles et transparentes.

Il faut aussi refaire un gouvernement de transition dans lequel il n y aura plus aucun militaire, et qui sera composé de cadres, techniciens et intellectuels honnêtes, propres et sans aucun engagement politique partisan.

Il faut mettre en place, afin d’éviter toutes ces confusions institutionnelles néfastes, un cadre de collaboration entre ces structures, sous la direction du Chef de l’Etat.

C’est pourquoi, il n’est pas nécessaire du faire du CNT à naître un organe législatif.

Il sera source de confusion institutionnelle supplémentaire et pénalisante. Il ne sera ni structurellement, ni substantiellement représentative du peuple guinéen. Il deviendra le lieu inapproprié d’affrontements partisans ou d’arrangements complices.

L’autorité « légitime » de cette transition demeure le CNDD. Si la transition réussie, ces membres en auront la fierté et la prétention historique. Si elle échoue, ils seront les premiers responsables. A chacun de prendre sa responsabilité. Chacun dans sa fonction avec l’autorité et la responsabilité qui s’y rattachent !

Enfin, le souhait d’un CNT comme organe législatif sera aussi l’expression de la volonté des « Forces vives » de priver le peuple guinéen de son inaliénable et légitime liberté et droit de choisir sa Constitution et son modèle institutionnel.

Ainsi, comme l’ont affirmé les « Forces vives » dans leur document officiel, il n’est pas nécessaire et utile d’organiser un référendum pour entendre le peuple guinéen, le CNT fera le travail technique sur ces reformes, et le Président du CNDD et de la République les avalisera par ordonnance…y compris hélas, les reformes constitutionnelles.

Une telle hypothèse serait un véritable déni démocratique, un mépris pour le peuple Guinéen et une grave erreur politique et sociale pour les « Forces vives » le CNDD et les partenaires étrangers qui la soutiendront.

Le CNT en tant qu’organe consultatif et de propositions, peut et doit même être un lieu de débat sur toutes ces questions. Mais, est c’est un principe qui doit être non négociable pour les guinéens, les principales reformes constitutionnelles et institutionnelles doivent être soumises au référendum.

D’ailleurs, de la part des « Forces vives », je réclame un peu de cohérence. On ne peut pas crier au manque d’indépendance et de démocratie quand le Président de la République décide de nommer les membres du CNT par ordonnance, et se prétendre démocratique en demandant à ce même Président d’adopter des reformes constitutionnelles par ordonnance.

Autrement dit, les membres du CNT, et surtout ceux qui viennent des « Forces vives », sont suffisamment importants pour ne pas mériter une désignation par ordonnance présidentielle, alors que l’avis et le choix du peuple de Guinée peuvent être remplacés par une ordonnance Constitutionnelle.

Qu’on se le dise ici, les « Forces vives » à mon sens font fausse route, notamment sur la question du référendum, de la date des élections et du statut du CNT.

Le peuple est souverain. Ceci n’est pas un simple slogan de campagne, mais l’élément fondateur de toute société démocratique.

Les guinéens ont le droit et même le devoir de critiquer aussi bien le CNDD que les forces vives, en premier lieu les partis politiques. C’est le prix de la démocratie !

Au nom de quoi et de qui les « Forces vives », et en premier lieu les partis politiques s’auto investiront en représentants exclusifs et démocratiques d’un peuple qui n’a jamais pu s’exprimer démocratiquement pour désigner ses représentants ?

Et au nom de quoi faut-il leur signer un cheque en blanc pour organiser à leur guise le déroulement de la transition ?

Comment imaginer écarter le peuple d’un moment si important pour son destin ?

La future démocratie guinéenne a tout à perdre et rien à gagner en ne demandant pas au peuple de participer à ce moment historique.

Comment espérer responsabiliser individuellement et collectivement les guinéens, si on ne prend même pas la peine de demander leur avis sur des choix qui les concerne en premier chef ?

Les histoires politiques se font avec les peuples !

La démocratie guinéenne se fera avec le peuple guinéen, ou ne se fera jamais !

- Le deuxième sujet est celui de la composition du conseil national de la transition

Je précise d’ailleurs que j’ai eu déjà l’occasion de défendre l’idée de séparer les membres nommés par l’exécutif, des membres politiques, sociaux et associatifs démocratiquement choisis par leurs structures respectives.

Donc, l’idée d’une désignation par les « Forces vives » de leurs propres représentants au CNT ne me paraît guère inconcevable. Mais laisser entendre que celles ci devraient ou pourraient choisir tous les membres du CNT, me paraît absurde, insensé et complètement injustifié.

C’est surprenant de voir les gens faire des analyses comme si on vivait une période tout à fait ordinaire et normale. Faisant mine ainsi d’oublier que nous sommes en période de transition, donc de reconstruction des légitimités…y compris celles de toutes les « Forces vives » du pays, notamment les partis politiques.

Car, s’il n’y avait aucun problème de légitimité et de représentativités effectives des acteurs institutionnels, politiques et sociaux de la Guinée, on n’en serait pas là aujourd’hui.

La situation politique guinéenne est donc aussi la mise en faillite généralisée de toutes les légitimités de principe, quelles soient politiques, administratives, économiques et sociales.

Oublier cela, c’est faire preuve d’amnésie intellectuelle et politique.

On dit qu’il n’est pas normal que ce soit le Président qui désigne par ordonnance les membres du CNT.

En période normale peut être, surtout si ledit organe est sensé comme le souhaitent inconséquemment certains, jouer le rôle d’un organe législatif.

Sauf qu’on n’est guère dans une période normale. Et c’est d’ailleurs cette anormalité existentielle et fonctionnelle persistantes qui ont conduit notre pays dans l’impasse.

On ne peut pas dire que le CNDD jouit d’une légitimité démocratique parfaite.

Formellement, celui-ci a acquis le pouvoir par un mécanisme extra-normatif (en dehors de tout processus constitutionnel de conquête de pouvoir). C’est un coup d’Etat.

Mais c’est un coup d’Etat singulier, car il fut soutenu et défendu par le peuple. Ce qui lui procura une certaine légitimité sociopolitique.

D’ailleurs, comment ceux là même qui hier, ont contribué à l’anéantissement de toute idée de norme suprême, peuvent aujourd’hui exiger le respect de celle-ci?

Comment plaider le respect d’une Constitution qui n’a auparavant jamais été respectée ?

Le CNDD a la lourde et impérieuse taches de contribuer à la construction d’un environnement démocratique qui fait tant défaut à la Guinée.

D’ici là, les choses sont ce qu’elles sont.

L’ancien régime ayant tout fait avec constance pour détruire ce qu’il y avait d’Etat en Guinée, a malmené le pouvoir et a méprisé le peuple et l’idée d’Etat de telle sorte, que tous les lieux de pouvoirs en étaient vides de celui-ci.

On a donc vu en Guinée s’affronter la légitimité juridique et la légitimité politique (sociale).

La dernière emportant sur la première. C’est la conséquence pratique de l’histoire politique guinéenne.

Et la légitimité du CNDD se trouve dans cet aval implicite mais socialement manifeste.

Si le CNDD a pu s’installer au pouvoir c’est parce qu’il a bénéficié d’un soutien populaire manifeste, et donc d’une représentativité politique au sein de la population.

Au CNDD d’en être digne et de ne pas trahir le peuple de Guinée.

Sur ce point, on perçoit encore une autre incohérence de certains politiques.

Ceux là mêmes qui se sont opposés à juste raison à la mise en œuvre de la légitimité juridique (procédure constitutionnelle de remplacement du Président défunt…), pour choisir la légitimité politique et sociale que le peuple a spontanément accordé au CNDD, font semblant aujourd’hui, puisque cela leur concerne, de confondre ici et de séparer là légitimité démocratique et représentativité démocratique au gré de leurs intérêts.

Oubliant qu’en réalité, c’est cette discordance entre le juridique et le politique (avec son substrat social) qui est le point culminant de notre carence démocratique et le tombeau prévisible de toutes les démocraties.

Une leçon à méditer pour les responsables politiques et leurs partisans qui se croient représentatifs parce que normativement légitimes.

Je profite aussi de l’occasion pour rappeler au CNDD cet aspect historique si important et si nécessaire à l’adoption d’une gouvernance neutre, modeste et démocratique.

Sa légitimité sociopolitique est à la fois forte et fragile. Elle demeure forte tant que le peuple lui accordera sa confiance. Elle s’écroulera lorsque le CNDD s’écartera du pacte conclu avec le peuple. Cette légitimité qui le fonde doit être chaque jour justifiée par ses choix et ses actes.

Le CNDD doit notamment travailler dans l’intérêt général avec objectivité et impartialité requises. Poser les bases d’un Etat viable, sérieux et démocratique. Contrôler et discipliner une armée qui, au lieu d’être un bienfait pour le peuple en est devenu son pire cauchemar.

Et enfin, ne pas se présenter, conformément à sa parole donnée, dans une compétition pour l’organisation da laquelle il a joué le rôle d’arbitre impartial.

Ces exigences n’empêchent pas pour autant le CNDD d’assurer sa responsabilité en faisant et en assumant des choix qu’il considère comme honnêtement et sincèrement, sans arrières pensés politiques partisanes, nécessaires pour la réussite de cette transition démocratique et bénéfique pour la Guinée.

C’est dans cette logique globale que la question du CNT doit être appréhendée.

Notamment son statut et sa composition.

Pour ce qui est du choix des membres du CNT, deux hypothèses semblent se dessiner.

Soit, c’est le Président de la République qui le fait par ordonnance, soit comme le suggéreraient les « Forces vives », cela leur revient de droit.

Là aussi, que de dogmatisme démocratique et de petites stratégies politiciennes.

Car, en théorie, il n’est point antidémocratique que le Président nomme par ordonnance les membres du CNT. C’est le contenu et ce qu’on en fera qui détermineront la suite.

Ce simple fait en soit n’est pas caractéristique de leur manque d’indépendance.

Car, sauf à s’embourber dans une conception très classique et très formaliste de l’indépendance, le rapport entre mode de désignation et indépendance ou dépendance n’est pas toujours évident.

Et en Guinée, on devrait être au courant de ce possible décalage.

On avait une Assemblée Nationale « élue » par le peuple (nous dit-on…), sa dépendance excessive et son irresponsabilité politique ont contribué au chaos que la Guinée connaît.

La question de l’indépendance est beaucoup plus complexe qu’elle n’y paraît.

L’aspect normatif est évidemment indispensable. Mais cet aspect, n’est pas suffisant. D’où les désillusions ont combiné l’irresponsabilité individuelle et collective et la volonté délibérée des institutions d’ignorer les normes fondatrices et fonctionnelles existantes.

La question de l’indépendance des organes a en réalité d’autres ressorts non moins importants. Elle dépend aussi de la qualité et de la dignité des hommes et des femmes qui incarneront l’institution en question.

C’est dans le principe de responsabilité, de liberté d’opinions, et d’efficacité individuelles et collectives qu’on retrouve ces ressorts.

Si chaque membre du CNT pense qu’il n’est pas et qu’il ne doit pas, pour défendre l’intérêt général, être susceptible de dépendance uniquement politicienne et partisane, et qu’il se comporte en conséquence, il contribue par la même à consolider les bases de l’indépendance et de la légitimité de l’institution qu’il incarne.

Si collectivement, qu’ils soient nommés par ordonnance ou pas, les membres du CNT se voient, se vivent courageusement comme étant éthiquement et politiquement indépendants de toute influence partisane qui nuirait à la crédibilité et à l’efficacité de leur mission d’intérêt général, l’institution sera indépendante.

Un principe constitutionnel, et la Guinée en sait quelque chose, sera allègrement bafoué si ceux et celles qui sont sensés l’incarner ne le défendent pas avec courage, dignité et conviction.

Pour une démocratie la normativité est certes indispensable mais elle n’est jamais suffisante pour assurer sa propre garantie et sa propre pérennité. Elle dépend aussi de l’éthique et du sens de la responsabilité de tous et de chacun.

La notion d’éthique et de responsabilité sont aussi des caractéristiques philosophiques de la de l’idée de démocratie.

C’est pourquoi, l’idée que les membres du CNT soient désignés par les « Forces vives » me paraît excessive et inappropriée. Pour leurs propres représentants au CNT, cela peut se concevoir.

Au delà, ce serait inacceptable, tant sur le fond que sur la forme.

De quelle légitimité démocratique claire et effective ont-elles pour pouvoir non seulement désigner tous les membres du CNT, surtout un CNT avec des pouvoirs législatifs ?

Au nom de quoi les « Forces vives » peuvent avoir la compétence de leur propre compétence ? Car c’est en définitive ce que cela impliquera.

Sur quelles bases et avec quels critères choisiront- elles les membres du CNT ?

Les « Forces vives » n’ont aucune légitimité, ni autorité pour être investies comme l’autorité compétente pour le choix des membres du CNT.

Pour la désignation de leurs propres représentants, si la chose paraît concevable, demeure toutefois peu aisée.

Comme tout le monde le sait, personne ne peut évaluer l’assise et le poids politiques réels dans la société guinéenne de chacune des formations politiques, ni la représentativité réelle des acteurs de la société civile ; encore moins si leur fonctionnement interne répond aux critères démocratiques nécessaires.

N’ayant jamais eu d’élections démocratiques en Guinée, comment faire pour évaluer ce poids politique pour une bien meilleure représentation de tous dans le CNT ?

Sauf à supposer, au prix du désastre ô combien symbolique et politique, que leur poids politiques seraient mesurables en fonction de leur supposée assise ethnique, de la célébrité de leurs têtes d’affiches ou du poids de leurs comptes bancaires respectifs.

Par ailleurs, comment faire la différence entre les anciens et les nouveaux partis politiques ?

Dernière interrogation, comment seront désignés à l’intérieur des composantes des « Forces vives », ceux qui seront membres du CNT ?

Est ce toutes ses structures prises singulièrement (partis politique, syndicats et associations, etc.…) doivent être représentées ?

Ou est ce que ce sont simplement les porte paroles déjà désignés ? Dans ce cas, pourquoi estimer insuffisant le nombre de places qui leur a été attribué ?

Ce nombre est effectivement insuffisant si on le met en corrélation avec le nombre des structures politiques, associatives et syndicales qui forment les « Forces vives ».

Mais alors imagine t-on que chacune de ces structures devrait avoir un ou des représentants au futur CNT ?

Cela reviendrait à considérer, sauf à augmenter considérablement et inutilement le nombre de places, que la Guinée ne réside désormais que dans les « Forces vives ».

Ce qui serait une véritable méprise politique, sociologique et démocratique.

Dès lors, la seule solution envisageable serait d’une part, à défaut de ne pas laisser le Président de la République procéder au choix de tous les membres, de déterminer le nombre de sièges attribués aux « Forces vives » et de leur laisser le soin de leur désignation interne ; et d’autre part, de faire une distinction entre les membres librement choisis et nommés par le Président de la République et les membres démocratiquement choisis par leurs structures respectives avant d’être soumis à la validation (automatique) du Président.

Avec cette conséquence qu’en cas de désaccord profond et persistant, le choix final devra être fait par le Président et par ordonnance.

Il serait extrêmement dommageable pour la Guinée que les « forces vives » deviennent à certains égards un obstacle à l’élargissement du cercle de discussion nationale et l’enrichissement des sujets relatifs aux débats qui intéressent les guinéens, en se posant comme l’unique représentant légitime du peuple Guinéen.

Je leur conseille par exemple de demander que dans l’ordonnance il soit inscrit l’immunité juridique de tous les membres du CNT.

Que personne ne soit inquiété pour ses déclarations, ses votes ou ses prises de positions.

L’ordonnance de mise en place du CNT doit garantir formellement la liberté et l’indépendance des membres de celui-ci.

Je leur conseil aussi de demander la publication intégrale sous toutes formes appropriées, des avis émis par le CNT, leurs propositions et leurs débats.

Toutes ces questions méritent un débat dépassionné et extirpé de tout procès d’intention qu’il soit le fait du CNDD ou des « Forces vives ».

Pour finir, Je dois dire ici mon étonnement de voir tous ces donneurs de leçons démocratiques garder un silence gênant et suspicieux face à la présence des chefs religieux dans cet organe, alors même que nous nous disons et croyons laïques.

Quelle est la position des « Forces vives » sur cette question de la laïcité en Guinée ?

Que pensent –elles de la présence des religieux au CNT ?

Elles sont si démocrates qu’elles préfèrent dépenser toutes leurs énergies pour empêcher la présence de certaines catégories de la Guinée au CNT, au lieu de s’élever contre la présence des religieux dans cette même assemblée.

Loin de moi l’idée d’un jugement de valeur sur la religion. D’ailleurs, comment cela serait-il possible quand les deux concepts (religion et politique) ont une temporalité différente et des objectifs dissemblables, surtout quand on prétend à une politique démocratique ?

La religion n’est pas antidémocratique, elle est a-démocratique. Elle se situe en dehors de la démocratie.

C’est pourquoi, il m’apparaît incroyable que cette hypothèse de la présence des religieux au CNT ne choque presque personne, et ne mérite même pas débat.

Quel drôle de laïcité alors !

A mon sens, les chefs religieux n’ont pas leur place dans cette structure. Et leur donner cette place serait un égarement politique.

Car, je ne vois pas comment faire débattre dans un cadre institutionnel aux visées concrètes et rationnelles, ceux qui sont dans l’intemporel, dans la transcendance religieuse et dans la métaphysique (ce n’est pas un reproche, mais un fait !) avec ceux qui ont tout fatalement et tout banalement des soucis de ce monde si bas ?

Ni l’ordre, ni l’objectif, ni les moyens ne sont les mêmes.

Si la confusion entre religion et politique marchait, çà se saurait !

La laïcité est une des règles qui incarnent le plus l’idéal démocratique.

Son sens va au-delà du simple principe de la liberté religieuse.

La laïcité implique surtout la séparation de l’Etat et de religion. La séparation du politique et du religieux.

Ce sont ceux et celles qui ne comprennent pas le sens exact de la philosophie laïque qui la considère comme un ennemi de la religion.

La laïcité, dans son sens exact est bénéfique à la religion et au politique, car elle leur garantit à chacun une légitimité et une crédibilité indispensables à leur existence et à leur épanouissement.

Le principe de laïcité reconnaît et protège la liberté de conscience et de religion, mais exige aussi de l’Etat une indépendance et une neutralité à l’égard des confessions religieuses ainsi que de leurs exercices.

S’il n’est pas interdit de la part de l’Etat de prendre en compte ses propres données sociologiques, cela ne doit en aucun cas remettre en cause le principe de neutralité et de séparation exigés.

Or, tel est loin d’être le cas en Guinée.

La confusion politique en Guinée entre la religion et la politique est si forte et si persistante qu’elle devient préoccupante.

Avec son lot d’irrationnel, de fatalisme et d’irresponsabilité ravageurs.

Et personne pour crier courageusement haut et fort que cette liaison est dangereuse pour la politique et pour la religion. Elle détruit les fondements d’un Etat rationnel et démocratique et empêche de faire de la politique de façon saine et objective.

Elle empêche toute création d’Etat rationnel.

Elle décrédibilise et salit la religion qui dévient complice des méfaits politiques.

Elle dilue aussi le sens de la responsabilité politique et sociale, tant au niveau des individus que de la collectivité. En cessant de tenir Dieu pour responsable de nos irresponsabilités respectives.

Cette confusion sape enfin leur base légitime et crée un amalgame fâcheux pour la compréhension de l’ordre religieux et politique. Du temporel et de l’intemporel !

Cette période de transition doit être l’occasion pour les guinéens si généralement et si respectueusement croyants, d’avoir l’audace d’ouvrir ce débat.

Car à mon sens, il serait souhaitable d’en finir avec cette confusion et de placer chaque élément dans son ordre naturel et logique.

La politique est de l’ordre du temporel. La religion relève de l’intemporel.

La politique est une affaire publique. La religion est une affaire intime.

C’est une question de foi et d’intimité existentielle entre l’homme (ou la femme) et son Dieu.

Pour l’intérêt de la Guinée, les religieux doivent cesser de se mêler de la politique.

Les politiques doivent cesser de se mêler des questions religieuses, ce n’est pas leur rôle.

Tout le monde y gagnera. La politique et l’Etat leur légitimité rationnelle et objective.

La religion sa légitimité confessionnelle et transcendantale.

Et la démocratie qui en naîtra sera plus viable et plus effective.

Le débat doit être ouvert et chacun est libre d’avoir son opinion.

La mienne, d’opinion, c’est la séparation effective entre la religion et la politique.

Les conséquences de cette séparation seront entre autre :

- La disparition du gouvernement du Secrétariat aux affaires religieuses,

- L’exclusion des représentants religieux de toutes les structures de débat et de concertation politiques et institutionnels.

- Donner la possibilité à ceux qui le souhaitent, pour la libre expression et le plein exercice de leur foi religieuse, de pouvoir créer des cadres associatifs cultuels avec des moyens de financements adaptés et des mécanismes de collaboration adéquate avec les institutions publiques.

Si malgré tout, les guinéens jugent normal cette situation d’alliance néfaste à mon sens entre la Politique et la religion, alors qu’ils l’assument très clairement dans leur Constitution fondatrice.

Ils pourraient dans même le temps, faire leurs adieux à un Etat et un environnement social responsable et démocratique.

La Guinée vit aujourd’hui un moment crucial de son existence. Elle a l’occasion de renouer avec l’histoire et avec son destin.

Il revient à chacun d’œuvrer en conscience, loyalement et sincèrement pour la réussite de cette transition. Pour qu’en fin, le martyr de ce peuple cesse, et pour qu’il retrouve sa dignité et ses honneurs perdus.

Je souhaite que chaque citoyen guinéen, chaque responsable politique, chaque responsable syndical ou associatif, chaque chef religieux, en soit pleinement conscient…en parole et en acte.

Ceux et celles qui pensent tirer profit en affaiblissant l’autorité de transition, prennent un énorme risque.

Vu la situation préoccupante de l’armée, vu la fragilité sociale, vu l’environnement politique sensible et potentiellement conflictuel, tout affaiblissement stratégique du CNDD et de son gouvernement (qui je le répète doit exclure les militaires !) serait une faute politique grave.

Potentiellement, malgré quelques faits et discours condamnables sans ambiguïté, il y a plus d’espoirs avec cette autorité de transition qu’avec certains éléments de l’armée, de l’élite politique et administrative, qui étaient hier complices du régime de Conté et qui sont pressés d’en finir avec cette transition si frustrante et si angoissante pour eux.

Si cette transition échoue, le premier responsable désigné sera légitimement le Président de la République et président du CNDD, puisqu’ils sont officiellement l’autorité gouvernante.

Mais sachons le déjà, ce sera surtout un échec collectif et pour chacun un échec personnel.

Toute la Guinée en pâtira et le martyr de son peuple s’en sera qu’hélas plus grand.

Nous devons être capables de remettre un peu de doutes politiques et intellectuels dans nos certitudes respectives, pour espérer pouvoir construire quelque chose de nouveau et de démocratique, dans l’intérêt de la Guinée.

Une transition ratée, des élections ratées tant sur le fond que la forme, seront la porte ouverte à l’armée… !

Faisons une bonne fois un travail sérieux et utile pour l’avenir démocratique de la Guinée.

Je terminerai par cette citation des frères Karamazov relative à l’idée de responsabilité « Nous sommes tous responsables de tout et tous devant tous, et moi plus que les autres ». A méditer !

Monsieur Diaby Kalifa
Juriste. Chargé de cours à l’Université de Toulouse 1

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1 mai 2009

Business français et dictature guinéenne

La Guinée Conakry en Afrique de l'Ouest a connu un coup d'État en décembre 2008. Une junte militaire a pris le pouvoir dès l'annonce de la mort de l'ancien dictateur, Lansana Conté. À l'époque, la junte disait vouloir en finir avec la corruption, se proposait de juger ceux qui s'étaient illégalement enrichis, et se promettait d'organiser des élections libres afin de redonner le pouvoir à un gouvernement qui serait dirigé par des civils. Cinq mois après le coup d'État, on est loin du compte. La vie de la population n'a pas changé : c'est la misère pour le plus grand nombre. L'armée pille et commet des exactions en toute impunité.

L'armée guinéenne terrorise la population

Un récent rapport de l'organisation Human Right Watch dénonce les exactions commises par l'armée depuis le coup d'État. Les militaires multiplient les extorsions lors des contrôles d'identité embarquent les civils, les dépouillent. Ailleurs, les bérets rouges de la garde présidentielle ou les groupes de commandos d'élite, sous le prétexte de la chasse aux trafiquants de drogue ou aux criminels impliqués dans le trafic de faux médicaments, pillent les restaurants et dévalisent les cliniques médicales gérées par des ressortissants chinois, emportant tout, ordinateurs portables, argent liquide, télévisions, volent les voitures avec lesquels ils paradent dans la capitale. Là, d'autres militaires intimident les juges les armes à la main, passent à tabac les habitants d'un quartier pour mieux les rançonner. Lors du coup d'État de décembre 2008, l'Union Africaine et la plupart des pays d'Europe l'avaient condamné. La France, qui a de nombreux intérêts économiques dans le pays, a été la première à reconnaître et à soutenir le chef actuel de la junte, Moussa Dadis Camara.

La France, principal soutien des dictateurs guinéens

Si Sékou Touré s'était brouillé avec de Gaulle lors de l'indépendance dans les années 1960, Giscard d'Estaing renoua les relations diplomatiques et économiques avec le dictateur guinéen jusqu'à sa mort en 1984. Que Sékou Touré ait été un dictateur sanguinaire, faisant pendre publiquement ses ministres, massacrant la population quand elle se révoltait, ne gênait nullement la France ni les profits des trusts français, comme ceux de Péchiney qui à l'époque exploitait la bauxite. Même soutien politique et militaire au successeur de Sékou Touré, Lansana Conté, qui exerça un pouvoir sans partage de 1984 à 2008. Et enfin, soutien au dictateur actuel.

Les différents gouvernements français n'ont eu de cesse de protéger les intérêts des multinationales présentes dans le pays, dans le secteur pétrolier et gazier (Total), le secteur bancaire (BNP Paribas, Société Générale), les transports, la construction (Vinci), la gestion aéroportuaire (Adp), les télécommunications (Orange), sans oublier le groupe Bolloré. Voilà qui explique que la France ait été le premier pays occidental à reconnaître la nouvelle junte au pouvoir. Ces intérêts sont tellement puissants qu'un nouveau projet de loi concernant les rapports entre la France et la République de Guinée est en cours de discussion au Parlement. Selon le rapporteur de ce projet de loi, la France est le deuxième client et le troisième fournisseur de la Guinée. Mais ce que vise la France, ce sont, comme l'écrit le rapporteur, « les ressources naturelles exceptionnelles » de la Guinée, notamment « dans le secteur minier », avec l'exploitation d'importants gisements de bauxite.

Les centaines de morts lors des émeutes hier, les exactions quotidiennes de la soldatesque contre les populations civiles aujourd'hui, ce n'est pas tout cela qui va troubler Sarkozy et son gouvernement.


René CYRILLE

Source : Lutte Ouvrière n°2126 du 1er mai 2009

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30 avril 2009

Probable dérive de la junte militaire de Conakry

« Le CNDD [Note du blogueur : la junte au pouvoir] n’est pas une institution. Elle ne peut donc pas être légale, encore moins légitime. C’est une association d’individus qui se sont cooptés du seul fait qu’ils ont des armes que le pays leur a confiées pour sa défense. Cela ne peut pas fonder une légitimité. Le CNDD est pour l’essentiel, composé de personnes qui ont organisé et matériellement exécuté les assassinats massifs de Janvier et Février 2007.» Dixit Mamadou Billo SY SAVANÉ dans une interview exclusive accordée à Guineenet.org.

Source : guineenet.org

Voilà presque quatre mois qu’une junte militaire s’est emparée du Pouvoir à Conakry. Son centième jour à la tête de notre pays a donné lieu à une avalanche d’éditoriaux enflammés de journalistes qui confondent leur opinion personnelle fort respectable avec ce que le pays souhaite ou ne souhaite pas. Vous êtes celui qui a inlassablement appelé les jeunes militaires à chasser M. Lansana Conté et à assurer une transition. Vous les appeliez alors des « Patriotes Républicains en uniformes ». Depuis, vous n’êtes pas resté tout à fait silencieux, mais vous ne vous êtes pas non plus directement adressé à vos « Patriotes Républicains.. ». Certains, dont moi-même, se demandent si le moment n’est pas venu de leur adresser une 40ème lettre, et peut-être plus. C’est l’occasion d’en savoir plus sur vos liens supposés ou réels avec cette junte.

Guineenet : Commençons d’abord par l’actualité immédiate. Au camp Alfa Yaya de Conakry, certaines troupes sont venues prêter « serment » de fidélité au capitaine Dadis comme « président » de la république. La cérémonie est passée en boucle sur la TV guinéenne. Cela ne vous surprend pas ?

Mamadou Billo SY SAVANÉ : Si ! Tout comme des millions de nos compatriotes, je suis plus que surpris. Je suis choqué. Le capitaine Dadis est chef d’une junte. Il n’est pas Président. J’insiste bien. Il est chef d’une junte militaire, mais en aucun cas le Président de la République. Je suis choqué. Car, selon moi un militaire Républicain ne prête qu’un seul serment : celui d’être fidèle à sa Patrie, ses institutions et à la personne ou l’équipe que le pays a choisie comme son incarnation pour une certaine durée. Le choix de cette personne ou de l’équipe devant être LIBRE, TRANSPARENT, PLURALISTE et HONNÊTE. Cela a un nom, c’est la compétition électorale. J’ai bien vu cette cérémonie. Elle rappelle un peu une scène où des esclaves viendraient prêter allégeance à leur propriétaire. C’est étrange.


Si vous voulez bien, on va commencer d’abord par préciser vos rapports avec la junte. Avez-vous des liens personnels avec ses principaux chefs ?

Non ! Personnellement, je ne les connais pas. Je n’ai pas de lien ni avec DADIS, ni avec aucun d’eux. On me dit souvent que certains d’entre eux me lisent régulièrement et attentivement. C’est tout. Mais il n’est pas nécessaire de les connaître en personne pour être en accord ou en désaccord avec ce qu’ils ou ne font pas, ou font mal. En tout état de cause, il ne faut pas donner une importance exagérée aux lettres, même si elles étaient numérotées. Si elles ont joué un petit rôle pédagogique, c’est tant mieux.

Vous les appeliez « Patriotes Républicains ». En principe, une armée est par définition patriote. Pourquoi cette appellation spécifique ?

Je n’ai peut être pas été très explicite. Puisque vous m’en donnez l’occasion, je vais essayer de l’être un peu plus. Dans mon esprit, c’est le qualificatif REPUBLICAIN qui prévaut. L’armée dans nos contrées, et plus particulièrement chez nous, est restée CORPORATISTE. Elle a à devenir REPUBLICAINE. Cela veut dire qu’elle doit elle-même admettre qu’elle a un périmètre bien défini et qui est le suivant :
1°. La défense de l’intégrité et de l’unité de la terre que nous ont léguée nos Pères qui l’ont eux-mêmes reçues des leurs. Cette première mission s’exécutant sous l’autorité de la personne ou de l’équipe que le pays dans la liberté, la transparence et l’équité, aura choisie à l’issue d’une compétition électorale honnête.
2°. La défense des institutions que le pays s’est librement données lorsque les REPRESENTANTS légitimes du peuple le lui demandent.Hors de ces deux missions, c’est le banditisme qui se déguise en armée.

Et si elle ne se contentait pas de ce périmètre républicain ?

Sortir de ce périmètre, c’est à mes yeux devenir une armée CORPORATISTE. C’est-à-dire une association d’intérêts privés, avec en plus grave, la possession d’instruments de mort, les armes achetées avec les ressources d’une population miséreuse. Il n’y a pas de différence entre cette armée corporatiste et une armée coloniale d’occupation ou une association de malfaiteurs. L’armée qui a maintenu Lansana Conté au pouvoir pendant plus de vingt ans, contre la volonté du pays est à mes yeux assimilable à cette armée d’occupation coloniale. Elle s’est d’ailleurs comportée comme telle en Janvier et Février 2007. Je continue de nourrir l’espoir que certains membres du CNDD ont un désir sincère de se comporter en Républicains et donc de se racheter des graves crimes de sang qu’ils ont commis contre leurs propres compatriotes et revenir immédiatement au périmètre républicain défini plus haut.

Mais une armée a des missions!

Tout à fait. Cette question est essentielle. Vous me permettrez donc de prendre un peu plus de temps pour y répondre. Aucune armée n’a à se fixer elle-même une quelconque mission. Le faire, c’est en un certain sens, se soustraire aux Lois de la République, se mettre au-dessus de la SOUVERAINETE populaire. Le médecin de Donka ou de Yomou ne décide pas de la politique sanitaire, ni l’enseignant de la politique éducative du pays. Tous appliquent une politique définie et approuvée par la REPRESENTATION nationale laquelle est désignée à l’issue d’une compétition électorale qui devra être LIBRE, TRANSPARENTE, PLURALISTE et HONNÊTE. Le fait de détenir les armes acquises avec l’argent public n’indique pas qu’on est d’une nature particulière, ou qu’on doit s’octroyer des droits sur la vie des populations. C’est le pays, dans son ensemble qui décide de confier à un groupe d’hommes et de femmes, les outils matériels de sa défense. C’est ce qu’on nomme une armée et une gendarmerie républicaines. Être dans ces corps, devrait en principe inciter ses membres à plus de retenue, plus de loyauté à l’égard de ceux dont le travail a permis l’acquisition des armes. Et les utiliser à des fins corporatistes, par exemple pour se maintenir au pouvoir contre la volonté du pays, est une terrible TRAHISON. D’un point de vue moral, quelle confiance peut inspirer un groupe d’individus dont l’unique fait d’arme , depuis 1958 a d’abord consisté à torturer des « opposants » pour le compte de Sékou Touré, ensuite à massacrer en Janvier et Février 2007 des centaines de jeunes Guinéens à la demande de Lansana Conté pour qui notre pays n’était qu’une OCCASION, et maintenant à conserver par des massacres déjà planifiés, un pouvoir que vraisemblablement le pays lui refuse toujours ? -Aucune !

Vous êtes sévère avec vos "Patriotes Républicains", non ?

J’ai acquis le droit d’être sévère, en tout cas je me le donne. Je ne cherche ni à plaire, ni à déplaire. Lorsque certains membres de la junte sont injustement accusés de tribalisme, comme l’a été par exemple le capitaine Dadis à un moment, j’ai estimé que j’avais à combattre ce mensonge. Je l’ai fait. Pour certains, je chercherais à « séduire » Dadis que je ne connais pas et qui peut-être ne me connaît pas non plus. Je rassure tout le monde. Je ne suis pas nécessiteux. Les plus grandes notabilités politiques et militaires guinéennes le savent. Aucune d’entre elles ne peut me démentir sur ce point. Je suis donc un homme LIBRE. Je suis sévère avec l’esprit qui a toujours prévalu dans le rang de l’armée guinéenne depuis toujours et qui est le suivant : l’armée est au-dessus de la nation. Elle fait ce qu’elle veut. Elle n’a pas de compte à rendre, sauf à ses supérieurs. Et celui qui peut dégainer le premier, s’empare du pouvoir, interdit toute expression politique et impose une servitude parfois sanglante à ses compatriotes. Voilà schématisé l’esprit dans lequel le capitaine Dadis et son CNDD ont l’air de vouloir s’installer. Je suis hostile à cet esprit. Je le combats donc sans parti pris, mais sans complaisance. Je ne suis pas seul à le faire.

Vous n’ignorez pas que beaucoup de nos compatriotes pensent à juste titre, que vous êtes en quelque sorte leur « parrain » intellectuel. Estimez-vous qu’ils vous ont bien compris ?

J’ai déjà répondu à cette question. Ils n’ont pas besoin de moi pour agir. Ils sont tout à fait responsables des actes qu’ils accomplissent. Je n’ai pas la naïveté de croire qu’ils obéiraient à mes « conseils ». Mais, cela ne me gêne pas non plus que certains d’entre eux considèrent que mes observations successives ont pu encourager la junte à barrer la route à SOMPARE et à son clan Pdgiste sanguinaire. Je n’ai pas la prétention d’être un leader d’opinion. Je dis ou écris ce que je crois juste.

Je reviens à ma question. Vous ont-ils compris ?

Dans mon esprit, puisqu’ils avaient empêché la population de se débarrasser de Lansana Conté et de son régime en perpétrant ou en facilitant les massacres de Janvier et Février 2007, ils devraient barrer la route au clan dont j’ai parlé. En faisant cela, ils ont rempli leur mission. Je pense que le pays attendait qu’ils fassent ce geste .Et c’était d’autant plus facile que le pouvoir était en déshérence. A mon avis, la mission implicite que le pays réel leur demandait d’accomplir est terminée. Ils doivent en tirer les conséquences.

Vous dites que la mission implicite que le pays leur demandait est terminée. Vous pouvez préciser un peu plus votre pensée ?

Depuis quelques semaines, je lis ici et là des appels à M.Dadis et au CNDD à garder le pouvoir que le pays ne leur a pas donné. J’ai même lu le dimanche 26 Avril sur les sites guinéens un appel demandant au capitaine Dadis de ne pas partir et de refuser des élections ou plutôt de ne les accepter que quand bon lui semblera. Tous ces appels sont suspects à mes yeux et dangereux pour M.Dadis lui-même et pour le pays. A bien y réfléchir, le CNDD et Dadis seraient devenus soudainement plus intelligents, plus « dignes » que les 10 millions de Guinéens. Inutile de les consulter, puisque M. Dadis est plus fort que tous. Soyons sérieux. Le capitaine Moussa Dadis a pris des engagements de façon solennelle. Il doit les respecter et il les respectera. Il en sortira grandi. Par contre, s’il se laissait tromper par certains de ses « conseillers » d’ailleurs non exempts d’arrières-pensées peu dignes, alors tout peut arriver. Et le fait d’avoir des armes achetées avec l’argent du pays n’est pas nécessairement la garantie d’une victoire certaine. Qu’on me comprenne bien : en disant ce que je dis, je suis plus sincère avec Dadis que tous ces nouveaux conseillers qui lui demandent de commettre l’irréparable. Avoir les armes du pays à sa disposition n’est pas un droit automatique au pouvoir.

Comment voyez-vous le CNDD ?

Le CNDD n’est pas une institution. Elle ne peut donc pas être légale, encore moins légitime. C’est une association d’individus qui se sont cooptés du seul fait qu’ils ont des armes que le pays leur a confiées pour sa défense. Cela ne peut pas fonder une légitimité. Le CNDD est pour l’essentiel, composé de personnes qui ont organisé et matériellement exécuté les assassinats massifs de Janvier et Février 2007. Je précise que tous les membres du CNDD ne sont pas tous des tueurs déguisés en militaires. Mais qui peut prétendre sérieusement que M. Claude PIVI dit Coplan est le modèle de soldat Républicain ? Que signifient ses ascensions fulgurantes en grade ? Il ne s’agit pas de l’accabler. Il n’a fait qu’exécuter les ordres de ceux qui le gratifient aujourd’hui de « services » rendus. A mon humble avis, le CNDD doit disparaître le plus rapidement possible. Cette association ne peut pas engager notre pays. Car, c’est une association d’intérêts privés. Il faut avoir l’honnêteté de le reconnaître. Quand le clan PIVI mène une expédition punitive contre Cellou Dalein dans le seul but de l’humilier, il y a un problème. J’ai sévèrement critiqué la démarche politique de M. Cellou Dalein. Mais il n’a tué personne. Et certains membres du CNDD ont commis de plus grands détournements. Pourquoi ceux-là seraient-ils protégés et Cellou Dalein humilié ?

Le capitaine Moussa Dadis a d’abord menacé de changer de tenue pour se présenter à une élection, ensuite fait état d’un « complot » et finalement interdit l’expression des partis politiques. Malgré vos réserves de plus en plus vives, vous avez l’air de considérer qu’il est de bonne foi. Vous croyez que cette ligne est tenable ?

Oui, à condition qu’il nous « aide à l’aider » comme l’avait écrit mon ami Baldé Abdoul, il y a quelques semaines. Alors comment ? En respectant l’engagement solennel pris devant le pays. Or, ses variations successives et contradictoires laissent penser qu’il n’en prend pas le chemin. Que voyons-nous depuis quelques semaines? La formation d’une milice privée hâtivement baptisée « garde présidentielle ». Elle est surarmée. Elle se livre impunément à des agressions et intimidations dans la ville de Conakry. On est là dans la continuité stricte du régime de Lansana Conté. A mon avis, tous les corps sociaux de notre pays doivent réagir énergiquement à cette dérive qu’on perçoit en pointillé.

On dit ici et là qu’il faut leur laisser le temps d’assainir l’économie, de réviser la constitution... Qu’en pensez-vous ?

Tout cela, c’est des arguments à posteriori. C’est très facile. On pourrait même le comprendre, s’ils avaient la compétence technique et intellectuelle de ce qu’on leur prête comme intention. Ce n’est pas leur faire injure que de dire qu’ils n’ont aucune compétence pouvant laisser croire qu’ils auraient la moindre chance de redresser quoi que ce soit. Ils auraient pu commencer par balayer devant leur « maison » comme le leur avait suggéré Elhadj BIRO, c’est-à-dire débarrasser l’armée des brebis galeuses que Lansana Conté a recrutées, comme les Pivi et tous ceux de son genre. Or, qu’ont-ils fait ? Comme toujours, ils se sont acharnés sur des civils désarmés comme Cellou Dalein DIALLO, ou d’autres. Le clan de Lansana Conté a été épargné. La théâtrale incarcération de Ousmane Conté a tout l’air d’une mise en scène. Ce qu’il faut, c’est l’arrestation de ce bataillon qui a massacré nos populations en Janvier et Février 2007. Tous ses membres sont parfaitement identifiés.

Avez-vous des exemples ?

Ecoutez, certains officiers qui ont organisé et réalisé les massacres de Janvier et Février 2007 ont été discrètement mutés dans les casernes de l’intérieur du pays. Par exemple, Mougné DONZO commandant à l’époque des faits a été muté à Labé. Or des soupçons très lourds pèsent sur lui concernant les massacres. Je l’avais moi-même appelé au téléphone pour lui poser la question de sa responsabilité dans les massacres. Il m’avait fait un démenti peu convaincant. A l’heure où je vous réponds, j’ai des informations tendant à montrer qu’il se livrerait à des intimidations sur les populations du Fouta, plus exactement celles de Labé, Pita et environs. Il prétend récupérer des terres qui appartiendraient à l’ «Etat». Mais à Conakry même, ce sont les militaires liés à la famille de Lansana Conté qui se sont emparés de tous les biens fonciers que MM. Bahna SIDIBE, alors ministre de l’habitat et de l’aménagement du territoire avait réservés aux futures infrastructures collectives. Dadis le sait, tout comme ses autres collègues. Autre exemple : c’est Pivi et sa troupe qui tiraient sur les jeunes gens à partir du pont 8 Novembre. En quatre mois, il est passé de simple adjudant à capitaine. Qui peut honnêtement admettre cela ? Si les généraux Mamadou SAMPIL et autres sont en prison, les Mougné DONZO, PIVI et leurs hommes doivent être en prison.

Il y aurait un complot. Ce qui aurait justifié l’annulation au dernier moment du voyage du Président Dadis à Tripoli. Qu’en pensez-vous ?

C’est dommage que M. Dadis et certains de ses collègues se soient livrés à cette petite « habileté » dérisoire. Chaque Guinéen sait que chez nous, celui qui veut anéantir ses adversaires, fabrique des complots, procède à l’arrestation et à l’exécution de tous ceux qui peuvent lui porter ombrage. Je me suis convaincu moi-même que Dadis était « sincère » et qu’il ne fallait pas lui faire un procès d’intention. Je l’ai écrit. Mais, j’avais ajouté que si je parvenais, sur la base de faits réels à la conclusion qu’il n’était pas Républicain et que je me suis trompé, je le dirai aussi. Ma perplexité est de plus en plus grande. Si « complot » il y a, ça voudrait dire que M. Dadis n’est plus souhaité au pouvoir, même pour une courte transition. S’il est Patriote Républicain comme je le crois, il devrait en tirer la conclusion qui s’impose, c’est-à-dire partir. Il aura été celui qui a cassé l’élan des Pdgistes. Ce n’est pas peu. Je suggère dans cette hypothèse peu probable (mais la seule pacifique à mes yeux), que les Forces Vives réfléchissent dès maintenant à la mise en place d’ un Haut Conseil de Transition qui pourrait être dirigé par Monseigneur Vincent KOULIBALY. Je peux, si besoin est, préciser, ma pensée sur ce point. Si le « complot » est une mise en scène pour se débarrasser d’autres militaires, ou d’autres civils, on peut affirmer alors que le capitaine Dadis a inauguré un cycle qui pourrait s’avérer infernal. Je ne le connais pas. Mais, je ne souhaite pas qu’il passe de la gloire à la déchéance. Il peut encore redresser la barre en s’en tenant strictement à son engagement, en ayant le courage de récuser les flagorneurs nécessiteux, venant d’ici ou d’ailleurs.Certains de ses «conseillers » occultes jouent avec le feu pour des raisons inavouables.

Et pour la révision de la constitution ?

Selon moi, la constitution n’a pas besoin d’être révisée. Il y a juste à apporter quelques modifications limitées. Je fais la suggestion suivante :

1°Suppression de l’âge maximum limite auquel on peut être candidat à l’élection présidentielle. C’est une disposition inutilement conflictuelle.

2° ramener la durée du mandat présidentiel à 5 ans, renouvelable une seule fois. En clair, personne ne devra faire plus de deux mandats consécutifs.

4°Inscrire dans la Loi Fondamentale que toute personne sortant de l’armée, de la gendarmerie et de la police ne peut être candidat à une élection présidentielle avant un délai de quinze ans à compter de sa date de sortie de son corps d’armes.

5°Inscrire dans la constitution que la durée du mandat présidentiel, le nombre de fois qu’il peut être renouvelé et la non candidature de tous ceux qui sortent d’un corps d’armes ne peuvent faire l’objet d’aucune modification, suppression, amendement avant un délai de 30 ou 40 ans à compter de la date de promulgation de la constitution rénovée.
Vous voyez, tout cela peut être fait en une semaine. Ce qui veut dire que la junte peut tenir son engagement, si elle le veut. Il n’y a aucun obstacle à cela. Sauf si elle cherche à gagner du temps pour elle-même. On entrerait alors dans une zone de turbulences.Mais peut-être, le capitaine Dadis et Claude Pivi pensent-ils sortir vainqueurs parce que disposant de lance-roquettes, bazookas et autres kalachnikovs. Pourtant tout le pays était bien disposé à l’égard de Dadis. Et j’en étais.

Vous avez commenté un document concernant ce qui serait des malversations minières auxquelles M. Facinet FOFANA se serait livré quand il était ministre. Vous avez déploré la « diplomatie » maladroite de Dadis.Le journal «L’OBSERVATEUR » et toute sa rédaction vous ont personnellement attaqué. Je voudrais savoir votre réaction par rapport à ces deux évènements.

Il faut séparer les deux faits. Je répliquerai à M. Facinet FOFANA. Patientons. Quant à la Rédaction de L’OBSERVATEUR, je n’ai honnêtement pas de temps à perdre. A qui voulez-vous que je réponde ? Certainement pas à M. Tibou KAMARA. Je n’aime pas briller facilement aux dépens de quelqu’un qui n’a ni formation, ni niveau. Sa profession, c’est « Jeune ». Avouez que c’est court comme formation ou niveau. Et le drame de notre pays, c’est qu’il est peuplé de gens ignorants qui ignorent leur ignorance. De ce fait, ils se prétendent cadres. On ne peut pas blâmer des gens comme ceux-là. Ils sont excusables. Voilà. Mais je répondrai à M. Facinet FOFANA.

Guineenet.org vous remercie!


Propos recueillis par Ibrahima Kylé Diallo
Rouen, le 29 avril 2009

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